Circoncision: commerce du prépuce

Le prépuce a connu de nombreux usages à caractère superstitieux. Mais on a découvert qu’il pouvait aussi être source de profits matériels fabuleux. Il a été ainsi utilisé dans la cosmétique, dans les expériences médicales et dans les opérations de greffe de peau. C’est ce dernier usage qui nous intéresse ici.

Alors que toute peau peut faire l’objet d’agrandissement pour être greffée, celle qui est sensible s’apprête mieux à un tel procédé. C’est notamment le cas de la peau entourant l’œil et les organes sexuels, dont le prépuce. Le directeur de recherches d’Advanced tissue sciences dit que sa compagnie obtient les cellules de peau du pré­puce de bébés. Un seul prépuce suffirait à produire une peau nouvelle couvrant six terrains de football.

Depuis les années 1980, des hôpitaux privés ont approvisionné en prépuces des laboratoires et des compagnies pharmaceutiques ayant besoin de chair humaine pour leurs recherches. Ils alimentent aussi en prépuces des sociétés transnationales qui tirent d’énormes profits des produits réalisés. Un article paru en 1992 titrait déjà: “les compagnies voient dans les produits de peau un marché annuel d’un mil­liard et demi de dollars”. Dans un texte publié sur Internet, son auteur dit que cha­que enfant devrait recevoir un million de dollars comme prix de son prépuce. Il signale que le prix des actions d’Advanced tissue sciences ont plus que quadruplé, passant de 4.25 US$ en 1994 à 17.75 US$ en 1996.

Comme la circoncision ne répond pas à un besoin médical, mais au désir du médecin de réaliser un gain, les opposants voient dans le commerce du prépuce un nouvel obstacle à leur campagne. Tant qu’il y aura une demande pour le prépuce, il y aura toujours besoin d’amputer des prépuces par la circoncision pour faire face à la demande. C’est la loi du marché et non pas la morale qui devient le critère de base. Les opposants commencent à alerter les parents sur le fait que les hôpitaux et les médecins pratiquent la circoncision en vue de voler le prépuce de leurs enfants et le vendre. Un hôpital américain vend le prépuce à 35 US$ et certains médecins honnêtes réduisent de leurs honoraires pour la circoncision le prix qu’ils reçoivent de la vente du prépuce.

La vente du prépuce pose de nombreuses questions que John Erickson a envoyées le 1^er mai 1987 à la Société américaine du cancer. M’inspirant de sa lettre, j’ai adressé le 5 septembre 2000 à M. Manfred Stahel, Medical marketing manager, Novartis Pharma Suisse, à Berne, les questions suivantes à propos de son produit Apligraf-Novartis réalisé à partir de prépuces:

– Provenance du prépuce: d’où est-ce que Novartis obtient les prépuces? Par les hôpitaux? Par les médecins? Par des intermédiaires? Par des infirmières? De la Suisse? De l’étranger?

– Prix du prépuce: quel est le prix payé par Novartis pour chaque prépuce? Est-ce que le prix est par pièce? Par largeur de la peau? Par poids? Par couleur? Par âge? Qui reçoit le prix (les parents? l’hôpital? le médecin?).

– Qualité du prépuce: quel est l’âge de l’enfant dont vous utilisez le prépuce? Préférez-vous le prépuce d’un nouveau-né? Utilisez-vous aussi des prépuces d’adultes? Faut-il que le prépuce soit coupé avec ou sans anesthésie? Donnez-vous des instructions aux fournisseurs de pré­puces? Est-ce qu’il y a une différence de prix entre le prépuce coupé avec anesthésie et le prépuce coupé sans anesthésie?

– Utilisation du prépuce: à quoi sert un prépuce? A combien peut-on l’élargir? A qui est-il vendu une fois élargi? Combien peut rapporter un prépuce? Combien de prépuces utilisez-vous par mois?

– Questions juridiques: est-ce que les parents sont informés de l’utilisation du prépuce de leur enfant? Est-ce qu’ils donnent une autorisation écrite ou orale? Y a-t-il des normes déonto­logiques ou juridiques qui régissent le consentement des parents? Est-ce que les normes rela­tives aux transplantations d’organes s’appliquent au prélèvement et à l’utilisation du prépuce? Y a-t-il une étude sur les aspects éthiques et juridiques de l’utilisation du prépuce?

Le 15 novembre 2000, Novartis Pharma m’a répondu que Apligraf-Novartis est produit par la compagnie américaine Organogenesis et qu’elle ne s’occupe que de la distribution et la commercialisation de ce produit. Elle ne me donne aucune réponse aux questions posées, m’envoyant ainsi sur les roses. Le commerçant n’est-il pas aussi soumis à la morale?

J’ai sous la main des lettres de la Faculté de médecine de Sydney de 1994 qui démontrent qu’un chercheur a distribué des informations en faveur de
la circonci­sion masculine aux infirmières et autres personnes dans les cliniques médicales, fai­sant un usage abusif du nom de l’université pour sa publicité. Il s’est avéré que le but du chercheur était d’assurer la récolte des prépuces des enfants pour faire des expériences médicales. L’Association médicale australienne a protesté contre ces agissements qui peuvent amener du désordre dans la profession médicale.

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