Conception musulmane de la loi

Après avoir vu l’importance numérique des musulmans et l’importance de la religion chez eux, nous passons à la conception musulmane de la loi qui les empêche de s’adapter au système juridique des pays où ils se trouvent. Importance numérique, importance de la religion et conception différente de la loi sont les trois composantes qui, réunies, constituent un mélange explosif. Pour comprendre la conception musulmane, il faut la comparer avec d’autres conceptions de la loi.

“La Shariah est l’avenir pour le Royaume-Uni”

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Sommairement on peut dire qu’il existe trois conceptions de la loi : la loi démocratique, la loi dictatoriale et la loi révélée.

La loi démocratique

Les gens décident leurs lois et les changent, selon leurs intérêts et leurs goûts, comme ils font avec le fromage.

La loi démocratique est généralement territoriale, et s’applique à tous ceux qui se trouvent dans le pays qui a adopté la loi: “Quand tu es à Rome, fais comme les Romains font”, pour prendre le conseil donné par Saint Ambroise à son disciple Saint Augustin. L’exemple le plus simple est la loi routière. En Suisse on conduit à droite, et en Angleterre on conduit à gauche. Et si par hasard un Anglais s’entêtait à vouloir conduire à gauche en Suisse malgré les amendes, il est renvoyé chez lui. S’il resterait en Suisse, il serait un danger public … pour lui et pour les autres.

La loi dictatoriale

Je m’appelle Statine. Je fais à ma tête. Je veux votre bien. Je vous fais une loi. Vous obéissez ou je vous coupe la tête. On peut résumer la situation comme suit : “Quand tu es à Stalingrad, fais comme veut Staline”.

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La loi révélée, dictée par Dieu

C’est la conception qui prévaut chez les juifs et chez les musulmans, et elle est presque inconnue chez les chrétiens. On peut résumer la situation comme suit : “Quand tu es dans la terre de Dieu, comporte-toi comme veut Dieu”. Voyons la conception de la loi dans les trois communautés.

a) Conception juive de la loi

Moïse va sur la montagne, et reçoit la loi de la main de Dieu : “Les tables étaient l’œuvre de Dieu et l’écriture était celle de Dieu, gravée sur les tables” (Ex 32:16).

Ce système n’est pas moins dictatorial que la loi stalinienne. L’Ancien Testament nous apprend que Moïse a fait un carnage parmi les siens lorsqu’il a appris qu’ils adoraient le veau d’or : À la vue du veau d’or, Moïse se tint à la porte du camp et dit: “Qui est pour Yahvé, à moi!” Tous les fils de Lévi se groupèrent autour de lui. Il leur dit: “Ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël : ceignez chacun votre épée sur votre hanche, allez et venez dans le camp, de porte en porte, et tuez qui son frère, qui son ami, qui son proche.” Les fils de Lévi firent ce que Moïse avait dit, et du peuple, il tomba ce jour-là environ trois mille hommes (Ex 32:26-29).

On lit dans l’Ancien Testament:

“Tout ce que je vous ordonne, vous le garderez et le pratiquerez, sans y ajouter ni en retrancher” (Dt 13:1).

“C’est une loi perpétuelle pour vos descendants, où que vous habitiez” (Lv 23:14).

Invoquant ces versets, Maïmonide, le plus grand théologien et philosophe juif, mort au Caire en 1204, écrit: “C’est une notion clairement explicitée dans la loi que cette dernière reste d’obligation éternelle et dans les siècles des siècles, sans être sujette à subir aucune variation, retranchement, ni complément”. Celui qui prétendrait le contraire devrait être, selon Maïmonide, “mis à mort par strangulation“.

b) Conception chrétienne de la loi

Laissons Moïse et passons chez Jésus. Bien que provenant de la tradition juive, Jésus était peu enclin à appliquer les normes juridiques prévues dans l’Ancien Testament. On peut même dire qu’il avait des tendances hippies : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid, mais le fils de l’homme n’a pas d’endroit où appuyer sa tête » (Lc 9 :57). C’est ce qu’on peut appeler aujourd’hui un SDF (sans domicile fixe).

Lorsque les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme surprise en flagrant délit d’adultère et lui demandèrent ce qu’il pensait de l’application de la peine de lapidation prévue par la loi de Moïse (Lv 20:10; Dt 22:22-24), il leur répondit: “Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre”. Et comme tous partirent sans oser jeter une pierre, il dit à la femme: “Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus” (Jn 8:4-11).

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Dans un autre cas, quelqu’un dit à Jésus: “Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage”. Jésus lui répondit: “Homme, qui m’a établi pour être votre juge ou régler vos partages?” Et il ajouta pour la foule qui l’entendait: “Attention! Gardez-vous de toute cupidité, car au sein même de l’abondance, la vie d’un homme n’est pas assurée par ses biens” (Lc 12:13-15).

Évoquant la loi du talion, Jésus dit: “Vous avez entendu qu’il a été dit: Œil pour œil et dent pour dent. Eh bien! moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant: au contraire, quelqu’un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l’autre” (Mt 5:38-39).

À défaut de textes légaux en nombre suffisant dans le Nouveau Testament, les chrétiens se sont rabattus sur le droit romain. Le jurisconsulte Gaius (décédé vers l’an 180) définit la loi comme étant “ce que le peuple prescrit et établit”. Le système démocratique moderne est basé sur cette conception du droit.

c) Conception musulmane de la loi

Islam veut dire la soumission à la volonté de Dieu exprimée dans le Coran et la Sunnah de Mahomet, les deux sources principales du droit. Pour les musulmans, la loi provient de Dieu, via l’ange Gabriel (le Coran), ou de la tradition de Mahomet inspiré par Dieu (sunnah). Le Coran dit:

“Ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a fait descendre, ceux-là sont les pervers, […] les injustes, […] les mauvais” (5:44, 45, 47).

“Lorsque Dieu et son envoyé ont décidé d’une affaire, il n’appartient pas à un croyant ou une croyante d’avoir le choix dans leur affaire. Quiconque désobéit à Dieu et à son envoyé, s’est égaré d’un égarement manifeste” (33:36).

Mahomet et l’ange Gabriel
Miniature persane (XIVe siècle)

On amena à Mahomet un homme et une femme juifs qui avaient commis l’adultère. Il s’informa de la peine prévue dans l’Ancien Testament. Les juifs lui répondirent que l’Ancien Testament prévoie la lapidation (Lv 20:10; Dt 22:22-24) mais que leur communauté avait changé cette norme parce qu’on ne l’appliquait qu’aux pauvres. En lieu et place de cette peine, cette communauté ava

it décidé de noircir le visage des coupables au charbon, de les mener en procession et de les flageller, indépendamment de leur statut social. Mahomet refusa cette modification estimant qu’il était de son devoir de rétablir la norme de Dieu. Il récita alors le verset: “Ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a fait descendre, ceux-là sont les pervers” (5:47).

“Ceux qui ne jugent pas d’après ce que Dieu a fait descendre, ceux-là sont les pervers”

Ibn-Khaldoun (décédé en 1406), philosophe musulman à tendance matérialiste, est le premier philosophe musulman à admettre la possibilité d’avoir des lois faites par les sages, donc non révélées à travers des prophètes. Il tire sa conclusion de l’observation. Il constate que les sociétés qui ne connaissent pas de lois religieuses sont, dans son époque, beaucoup plus nombreuses que celles qui en connaissent. Et pourtant ces sociétés ont été prospères et n’étaient nullement anarchiques. Il en conclut que le pourvoir théocratique n’est pas indispensable pour le maintien des hommes en société. Il fait toutefois une exception pour les Arabes, car, dit-il,

“en raison de leur sauvagerie innée, ils sont, de tous les peuples, trop réfractaires pour accepter l’autorité d’autrui, par rudesse, orgueil, ambition et jalousie. Leurs aspirations tendent rarement vers un seul but. Il leur faut l’influence de la loi religieuse, par la prophétie ou la sainteté, pour qu’ils se modèrent d’eux-mêmes et qu’ils perdent leur caractère hautain et jaloux. Il leur est, alors facile, de se soumettre et de s’unir, grâce à leur communauté religieuse. Ainsi, rudesse et orgueil s’effacent et l’envie et la jalousie sont freinées”.

Le cheikh Muhammad Mitwalli Al-Sha’rawi (décédé en 1998), personnalité religieuse et politique égyptienne, dit que la révélation est venue trancher les questions sujettes à divergence, libérant ainsi l’homme de la peine de les résoudre par la discussion ou par des expériences répétitives épuisantes. Le musulman n’a pas à chercher en dehors de l’islam des solutions à ses problèmes, puisque l’islam offre des solutions éternelles et bonnes dans l’absolu. Il ajoute:

“Si j’étais le responsable de ce pays ou la personne chargée d’appliquer la loi de Dieu, je donnerais un délai d’une année à celui qui rejette l’islam, lui accordant le droit de dire qu’il n’est plus musulman. Alors je le dispenserais de l’application du droit musulman en le condamnant à mort en tant qu’apostat”.

Pour les auteurs musulmans:

– Si la question à réglementer fait l’objet d’un texte du Coran ou de la Sunnah, à la fois authentique et clair, la nation ne peut que s’y soumettre; elle ne saurait établir une règle contraire.

– Si le sens peut prêter à différentes interprétations, la nation peut essayer d’en déduire une solution à partir de la compréhension du texte, en préférant une interprétation à une autre.

– En l’absence de texte, la nation est libre d’établir la norme qui lui convient, à condition que cette norme soit dans le respect de l’esprit du droit musulman et de ses règles générales et qu’elle ne soit pas contraire à une autre norme musulmane.

Cette conception de la loi provient du fait que les musulmans n’ont pas confiance dans le raisonnement humain, et par conséquent ils se reportent à Dieu. Le problème est que Dieu n’est pas accessible avec nos moyens humains: il n’a ni téléphone, ni fax, ni internet;  le bureau de poste est fermé et le facteur est mort.

La Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres documents internationaux, principalement d’inspiration occidentale, ne comportent aucune mention de Dieu. Les tentatives visant à le mentionner dans ces documents ont échoué.

Ceci n’est pas le cas des déclarations musulmanes relatives aux droits de l’homme. Ainsi, celle promulguée en 1981 par le Conseil musulman (dont le siège est à Londres), dit dans le préambule:

“Forts de notre foi dans le fait que Dieu est le maître souverain de toute chose en cette vie immédiate comme en la vie ultime […]

Forts de notre conviction que l’intelligence humaine est incapable d’élaborer la voie la meilleure en vue d’assurer le service de la vie, sans que Dieu ne la guide et ne lui en assure révélation:

Nous, les musulmans, […] nous proclamons cette Déclaration, faite au nom de l’islam, des droits de l’homme tels qu’on peut les déduire du très noble Coran et de la très pure Tradition prophétique (Sunnah)”.

Pour les références, voir mon ouvrage Introduction au droit arabe: droit de la famille et des successions, droit pénal, droit médical, droit socio-économique, Createspace (Amazon), Charleston, 2e édition, 2012, 534 pages Amazon.fr

Les versets du Coran sont pris de ma traduction: Le Coran: texte arabe et traduction française par ordre chronologique selon l’Azhar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations et aux écrits juifs et chrétiens.

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