Qui a rédigé le Coran ? Par David Belhassen

Source: La lecture du Coran (« el qoran »[i]en arabe, mot qui peut signifier aussi bien « l’appel » que « la lecture ») laisse perplexe. Qui a bien pu « pondre » cette mixture imbuvable qui rassemble dans un fatras épouvantable des passages du Pentateuque, du Livre de Josué, des Psaumes, des Evangiles, des bribes d’hagiographes bibliques, des réminiscences de littérature talmudique, et enfin des ersatz de traditions « arabes » préislamiques revisitées et réinterprétées ?

Le volet précédent de cet article s’était attaché à découvrir les nombreux hébraïsmes du Coran et les erreurs dans la retranscription de noms, de mots et d’expressions bibliques. Les experts en araméen (« syriaque ») y ont trouvé également un vocabulaire étendu et une syntaxe qui sont indubitablement en langue araméenne, au point de conclure qu’il s’agit d’une langue composite, artificielle et spécifique au Coran.

Qui est donc le « responsable » de ce syncrétisme rétrograde qui a pris du judaïsme et du christianisme ce que ces deux religions ont de pire – comme si elles étaient deux mamelles empoisonnées qui ont allaité la religion musulmane -, et délaissé le meilleur ?

A la fin du VIème-début du VIIème siècle après J-.C., le judaïsme et le christianisme étaient solidement implantés dans la péninsule du Hedjaz. Les rabbins et les prêtres s’affrontaient dans d’interminables joutes théologiques sous les yeux amusés et le regard ébaubi des autochtones arabes polythéistes. Certains de ces arabes polythéistes, plus curieux que d’autres, venaient assister aux enseignements que rabbins et prêtres octroyaient, dans un but incontestable de prosélytisme.

Les rabbins cependant, plutôt qu’une conversion pure et dure au judaïsme, privilégiaient une adhésion à ce qu’ils nommaient « la communauté des craignant-Dieu ».

Il était exigé de ces « craignant-Dieu », une pratique religieuse allant – selon leur stade de progression dans le judaïsme-, du minimum (comme le respect aux 7 commandements dits « noachides »), jusqu’à un stade très avancé de respect des lois de la Torah juste avant la conversion finale, en passant par le stade intermédiaire de « mityahed », c’est-à-dire de « judaïsant ».

Il se pourrait fort bien que Mahomet se soit trouvé parmi ces « judaïsants » écoutant, avec un sérieux vertigineux, l’enseignement d’un de ces gourous-rabbins. Mais son éclectisme religieux ne le poussa t-il pas aussi à aller écouter les prêches et sermons de prêtres ? Ces deux influences sont en effet patentes dans le Coran. Pourtant, il y a dans le Coran trop de déviations, de dissidences, de contradictions, de divergences, d’anachronismes (pour ne pas dire de bourdes et d’erreurs, voire d’absurdités et de non-sens qui y pullulent, mais qui pourraient tout aussi bien être attribuées à un scribe étourdi ou malentendant) par rapport au Pentateuque ou aux Evangiles.

Or, Mahomet – d’après son propre témoignage dans le Coran – ( mais faut-il le prendre pour argent comptant ou n’est-ce qu’un artifice de propagande ?), était un illettré. Illettré certes, mais doué d’une excellente mémoire. Après ses « cours », il allait réciter tout ce qu’il avait perçu à un scribe qui, au fur et à mesure, « couchait à l’écrit » ce que Mohammad lui retransmettait oralement.

Ce qui a poussé beaucoup d’historiens  et d’exégètes à développer la thèse, justement à cause de ce syncrétisme judéo-chrétien dissident et déviant, que le « maître à penser » de Mahomet ne pouvait pas être un rabbin orthodoxe ou un prêtre catholique. Il appartenait soit à une secte judaïco-christique, soit à une secte chrétienne judaïsante, soit même à une secte hétérodoxe – voire hérétique -, ex-judaïque ou ex-christique.

Cette thèse semble cohérente, mais elle fait fi de certaines considérations et reste encore à prouver. Toutefois, et en admettant qu’elle soit établie, la question demeure de savoir de quelle secte judaïco-christique ou de quelle secte chrétienne judaïsante, ou encore de quelle secte hétérodoxe-hérétique ex-judaïque et ex-christique,  s’agit-il ? Et plus concrètement,  qui est ce rabbin dissident ou ce prêtre hérétique qui a distillé son enseignement à Mohammad ? Et enfin, qui est ce scribe qui a trempé sa plume pour rédiger le Coran, à partir de « comptes-rendus » oraux de Mohammad ?

Avant de s’aventurer à une hypothétique réponse, faisons un bref relevé de ces sectes, dans la péninsule arabique de l’époque, relevant du judaïsme et du christianisme hétérodoxes.

Dans le judaïsme : une secte pharisienne messianique ésotérique et dissidente (de « la maison de Shamaï », le fameux sage qui polémiquait avec Hillel l’ancien ?), des débris du courant sadducéen, des rescapés d’un groupe d’esséniens, des excommuniés de la communauté samaritaine, et une faction de proto-qaraïtes descendants peut-être d’anciens zélotes (judéens et iduméens).

Dans le christianisme : une secte marcionite, une monophysite, une nestorienne, une gnostique sacralisant un Evangile apocryphe ou non canonique, une nazoréenne, et enfin une secte ébionite.

Il y en avait certainement d’autres appartenant au pourtour judaïque et christique, mais leur « credo », leur théologie, leurs croyances et leurs pratiques religieuses ne différaient sensiblement pas de la douzaine de courants et sectes énumérés plus haut et se rattachant à la sphère judaïque et christique.

Procédons par élimination.

–        Il est impossible qu’un pharisien, dissident ou pas, ait enseigné Mohammad. Aucun pharisien n’aurait pu ordonner qu’on coupe la main pour le vol d’un pain ! Cela contredit totalement non seulement le Pentateuque qui oblige le voleur à rembourser quatre fois le prix de son vol, mais également l’exégèse pharisienne fondamentale de permettre en toutes choses une réparation pécuniaire.

–        Ce maître à penser de Mohammad ne pouvait être un sadducéen. Les sadducéens s’opposaient farouchement à la croyance au monde futur et à la résurrection des morts. Or ces deux points sont centraux dans le Coran.

–        Il n’était pas non plus essénien. Le calendrier essénien était fondamentalement solaire et le calendrier coranique est exclusivement lunaire.

–        Il était encore moins un samaritain, pour qui non pas Jérusalem, mais le Mont Garizim (surplombant Sichem) était le « Sanctuaire de Yahweh ». Le Coran a les samaritains en horreur.

–        Ni non plus un proto-qaraïte descendant des anciens factieux zélotes. D’un point de vue théologique, ceux-ci rejetaient le Talmud, or le Coran reprend des traditions talmudiques. Et d’un point de vue politique, ils étaient des ultras patriotes, des « endeuillés de Sion ». Or Jérusalem n’est même pas mentionné dans le Coran. Quant au patriotisme juif, Mohammad n’en a cure.

En conclusion, le « maître à penser » de Mahomet n’était pas un Hébreu (judéen, samaritain, ou galiléen).

Et concernant la sphère christique, l’élimination par impossibilité est à peu près du même type :

–        Un marcionite rejetterait le Pentateuque. Le Coran le vénère.

–        Un monophysite voit en Jésus son « unique nature incarnée dans le verbe de Dieu ». Le Coran reconnaît certes en Jésus « le prophète du Jugement dernier », mais Jésus n’est qu’un humain comme les autres prophètes (nonobstant sa naissance virginale).

–        Un nestorien se réclame d’une doctrine professant que deux personnes, l’une divine, l’autre humaine, coexistaient en Jésus. Le Coran rejette également cette doctrine.

–        Un gnostique aurait fait peu de cas des interdits culinaires de la Torah. Le Coran est très méticuleux sur ce point.

–        Un nazoréen aurait été offusqué si un de ses disciples avait dit que Jésus n’avait pas été crucifié et que c’est un autre qui l’a été à sa place. Le Coran l’affirme allégrement

–        Un ébionite aurait enseigné  de ne transgresser aucun « yota » de la Torah, de ne rien y ajouter et de ne rien y retrancher car tout le Pentateuque et les commandements de la Torah témoignent de la messianité de « Jésus le Sauveur d’Israël ». Le rédacteur du Coran ajoute et retranche, biffe et modifie les lois de la Torah, sans même sourciller.

Seconde conclusion : Le maître à penser de Mahomet n’était pas un prêtre ou un moine (défroqué ou pas).

Mais cette élimination ne nous dit toujours pas qui était le « maître à penser » de Mahomet et encore moins le scribe ou le rédacteur du Coran.

Ce n’est que dans la « Sîrah », c’est-à-dire la biographie de Mahomet et le compte-rendu détaillé de ses faits et gestes, que nous pourrions trouver les indices qui manquent et qui seraient susceptibles de nous révéler l’identité de ce « maître à penser » de Mahomet, et par la même occasion, le nom de son scribe et rédacteur du Coran.

Cette compilation nous parle d’un certain Waraqa ibn Nawfal, le cousin de Khadija, la première épouse de Mahomet. Selon différentes sources et études, ce Waraqa aurait été tout d’abord un « craignant-Dieu », puis un « judaïsant » et ensuite un « christianisant ».

Et c’est par l’intermédiaire et l’enseignement de ce « maître à penser » (qui a lui-même mal intégré ce que des juifs et des chrétiens, appartenant à des courants marginaux et hétérodoxes, lui ont enseigné), que le Coran est « descendu du ciel ».

Il y a néanmoins une faille dans cette thèse : Waraqa ibn Nawfal  serait d’origine qurayshite donc « arabe ». Or le Coran (du moins dans ses premiers versets dits « mecquois ») a une haine incandescente des arabes (tant qu’ils étaient polythéistes). Par exemple (9. 97) :

الْأَعْرَابُ أَشَدُّ كُفْرًا وَنِفَاقًا وَأَجْدَرُ أَلَّا يَعْلَمُوا حُدُودَ مَا أَنْزَلَ اللَّهُ عَلَى رَسُولِهٌِ
les arabes sont les plus endurcis parmi les mécréants et les hérétiques, et les plus enclins à ne pas étudier les préceptes qu’a fait descendre (du ciel)  allah sur son envoyé.

De plus, le Coran fait par trop usage de mots hébreux et araméens, à la place de termes arabes. Il est également parsemé de graves erreurs d’orthographe et de syntaxe. Ce qui laisse planer des doutes sur l’origine « arabe » de Waraqa et a entraîné des historiens à le considérer comme d’origine aramo-syrienne, voire nabatéenne.

La question reste en suspens, mais d’un point de vue psychologique, la balance penche plutôt sur l’origine arabe.

Car cette « haine de soi » de Waraqa (et donc de Mahomet) n’est-elle pas un comportement banal, de la même veine et du même syndrome qui atteint tout « converti » et « prosélyte » ?

Après sa conversion à l’islam, un néophyte français de souche ne devient-il pas immanquablement haineux envers ses origines françaises et sa famille restée chrétienne ? Cela est aussi valable, dans la plupart des cas, pour un converti au judaïsme d’ailleurs.

Dans le cas d’un « nouveau musulman » – plutôt dénué de solide culture française et s’exprimant dans un langage peu châtié -, ne se met-il pas soudain à baragouiner en arabe avec ses « potes » de banlieue ? Ou à lancer à tout bout de champ à la face de ses parents « chrétiens mécréants », des expressions en langue arabe coranique afin de mieux leur étaler son « intransigeante foi musulmane » ?

Cela n’a-t-il pas été également le syndrome de Waraqa et de Mahomet, le disciple qui en fin de compte a éclipsé son « maître », lorsqu’ils se gargarisaient de mots et d’expressions hébraïques et araméennes devant des locuteurs arabes qui les écoutaient bouche-bée ?!

 David BELHASSEN [i]L’arabe, tout comme l’hébreu, ne possède pas de lettres majuscules et nous nous sommes efforcés de le  retranscrire tel quel.

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