Sami Aldeeb: Parenté entre les lois nazies et les lois juives

La Bible interdit le mariage mixte entre juifs et non-juifs[1]. On y lit:

Lorsque Yahvé ton Dieu t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, des nations nombreuses tomberont devant toi… Yahvé ton Dieu te les livrera et tu les battras, tu les dévoueras par anathème. Tu ne concluras pas d’alliance avec elles, tu ne leur feras pas grâce. Tu ne contracteras pas de mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, ni ne prendras leur fille pour ton fils. Car ton fils serait détourné de me suivre; il servirait d’autres dieux; et la colère de Yahvé s’enflammerait contre vous et il t’exterminerait promptement (Deutéronome 7:1-4).

Mais c’est dans les chapitres 9 et 10 du Livre d’Esdras qu’on trouve les normes les plus sévères contre les mariages mixtes qui ont pour résultat que “la race sainte” se mêle “aux peuples des pays”. Ceci est considéré comme une “infidélité” à Dieu (9:2). Ces normes auraient servi de modèle aux lois raciales promulguées par les nazis en 1935 visant à empêcher le mélange entre sang juif et sang allemand[2]. Étant conformes aux normes bibliques en la matière, les juifs allemands, notamment les sionistes, n’y étaient pas opposés[3].

Les normes bibliques ont été formulées dans un projet de loi présenté à la Knesset israélienne en septembre 1984 par le Rabbin Meïr Kahane. Michael Eitan, député conservateur, a établi et diffusé à la Knesset une comparaison de textes entre ce projet de loi et la loi proposée au Reichstag par Adolf Hitler en 1935. Nous nous limitons ici à reproduire les propositions du rabbin Meir Kahane qui ressemblent étrangement à celles de Hitler:

– Aucun non-juif ne résidera à l’intérieur de la ville de Jérusalem.

– Les non-juifs n’auront ni droits nationaux ni participation dans la vie politique au sein de l’Etat d’Israël. Un non-juif ne pourra  être nommé à aucun poste de pouvoir. Il ne sera pas admis à participer à des élections pour la Knesset ou pour tout autre organe étatique ou public.

– Il est interdit aux citoyens et résidants juifs, hommes et femmes, d’épouser des non-juifs, en Israël ou à l’étranger. De tels mariages mixtes ne sont pas reconnus devant la loi.

– Il y aura séparation absolue entre les établissements d’instruction juifs et non-juifs.

– Des relations sexuelles, complètes ou partielles, sont interdites entre citoyens juifs, hommes et femmes, et des non-juifs. Ceci comprend les relations hors mariage. Les violations seront sanctionnées de 2 ans d’emprisonnement.

– Un non-juif qui a des relations sexuelles avec une prostituée juive ou avec un mâle juif est passible de 5 ans d’emprisonnement. Une prostituée juive ou un mâle juif qui a des relations avec un homme non-juif est également passible de 5 ans d’emprisonnement,

– Les camps de vacances et toutes autres activités mixtes juifs-arabes seront abolis. Des programmes de visites entre élèves juifs et arabes dans leurs villages ou maisons respectifs seront abolis. Des voyages à l’étranger où un enfant juif est l’hôte d’une famille non-juive seront interdits comme des visites analogues en Israël par des non-juifs[4].

Certes, on peut arguer que la Cour suprême israélienne, le 18 octobre 1988, a qualifié le rabbin Meir Kahane de raciste et a interdit à son parti, Kach, de participer aux élections du 1er novembre 1988. On oublie cependant que la Knesset comprend toujours trois autres partis politiques qui partagent les opinions du rabbin Meir Kahane: Tehiya (3 sièges), Tsomet (2 sièges) et Moledet (2 sièges). On oublie aussi que certaines de ses opinions se retrouvent dans les programmes politiques du parti Likoud et du parti travailliste; ces deux partis refusent aux réfugiés palestiniens le droit de revenir dans leur pays parce qu’ils ne sont pas juifs.

Précisons aussi que Kahane a été soutenu par la haute hiérarchie religieuse israélienne comme l’ancien grand rabbin ashkenaze Shlomo Goren. Celui-ci s’était déclaré contre la loi anti-raciste, pourtant très formelle, parce qu’elle viserait à supprimer la démarcation entre les non-juifs et les juifs. Il s’oppose aussi, comme l’actuel grand rabbin ashkenaze, à la rencontre entre des jeunes juifs et des jeunes non-juifs[5].

Harkabi, professeur des relations internationales à l’Université hébraïque de Jérusalem, fait une analyse détaillée de l’idéologie du nationalisme religieux juif auquel appartient le rabbin Kahane[6].

Pour ce courant, la simple présence des arabes en Terre d’Israël fait d’eux des criminels. Il faut donc les expulser, voir les exterminer. Harkabi cite plusieurs rabbins israéliens pour qui la Bible commande de déposséder tous les habitants de la Terre d’Israël, et de les remplacer par les juifs. Selon ces rabbins, aucun non-juif n’a le droit de résider en Terre d’Israël, et moins encore à Jérusalem. Le maintien des non-juifs en Terre d’Israël est une transgression de la loi religieuse juive, une “profanation du nom de Dieu”. Les arabes sont assimilés à Amalek (Deut. 25:17-19). Le rabbin Yisrael Hess, aumônier du campus de l’Université de Bar-Ilan publia un article dans le journal des étudiants intitulé: “Le commandement de Génocide dans la Torah”. Il y dit qu’il viendra le temps où tous les juifs seront appelés à accomplir le commandement divin de détruire Amalek. Ce commandement exclut toute pitié et ordonne de tuer et de détruire même les enfants et les nourrissons. Ce rabbin invoque Maïmonide pour affirmer que le fait de tuer un non-juif ne transgresse pas le commandement: Tu ne tueras point[7].

Harkabi écrit à propos de ce courant:

“Le génocide de l’holocauste est une tache indélébile de l’Allemagne hitlérienne; le fait que ce génocide ne dissuade pas certains milieux religieux extrémistes de faire appel au génocide des arabes assimilés à Amalek est incompréhensible pour moi. Certains diraient même qu’un tel appel au génocide est encore plus grave que le nazisme, puisqu’il vient après lui”[8].

——

[1]Sur les normes juives en matière de mariage mixte, voir Maïmonide: Le livre des commandements, pp. 228-229.

[2]Voir la déclaration du criminel de guerre Julius Streicher au procès de Nuremberg le 26.4.1946 dans Der Prozess gegen die Hauptkriegsverbrecher, vol. 12, p. 343.

[3]Voir à ce sujet l’interview de Karesky, ancien chef de la communauté juive de Berlin, Jewish Chronicle (Londres), 3 janvier 1936, p. 16 (Garaudy: Palestine, terre des messages divins, p. 216) et le Mémorandum adressé par la Fédération sioniste d’Allemagne au parti nazi le 21 juin 1933 (Dawidovicz: A Holocaust Reader, pp. 150-155).

[4]La Liberté (Fribourg), 31 oct./1er nov. 1985; MEI, 22 nov. 1985, p. 15.

[5]Jerusalem Post, 24 mars 1986, p. 3.

[6]) Yehoshafat Harkabi: Israel’s fateful decisions, Tauris, Londres 1988, pp. 141-199.

[7]) Harkabi, op. cit., pp. 151-154.

[8]) Harkabi, op. cit., p. 189.

Source de cet article: 

Sami Aldeeb: Discriminations contre les non-juifs tant chrétiens que musulmans en Israël, 1992 https://goo.gl/cDZ2Z4

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