Circoncision: débat juif pour et contre

A) Ancien Testament

L’Ancien Testament ne contient aucune norme concernant la circoncision féminine. Elle constitue par contre la base pour la pratique de la circoncision masculine pour les juifs, les chrétiens intégristes et les musulmans. Deux textes régissent cette pratique. Le premier est le chapitre 17, versets 1-14, du livre de la Genèse qui dit que Dieu est apparu à Abraham lorsqu’il avait 99 ans (voyez la précision) et lui a commandé de se circoncire et de circoncire tous ses descendants mâles à l’âge de huit jours, ainsi que ses esclaves. En contre partie, Dieu promet à Abraham et ses descendants de lui octroyer la terre de Canaan en possession à perpétuité. Ainsi la circoncision devient un acte politique.

Le deuxième texte est du chapitre 12 du Lévitique qui dit: “Au huitième jour on circoncira le prépuce de l’enfant” (Lv 12:3).

Dans le premier texte, la circoncision est signe d’une d’alliance passée par Dieu avec Abraham et sa progéniture. La circoncision en hébreu se dit:Berit milah, littéralement l’alliance de la coupure. Le deuxième texte, par contre, situe la circoncision dans les normes relatives à la purification de la mère et de son enfant. Dans de nombreux autres textes, l’Ancien Testament utilise le terme “circoncis” par opposition à “incirconcis”, ce dernier étant considéré comme impur. D’où l’interdiction faite aux incirconcis de participer aux cérémonies religieuses (Ex 12:48), d’entrer dans le sanctuaire (Ez 44:9) ou même dans Jérusalem (Is 52:1). On refuse aussi d’enterrer un juif incirconcis dans le cimetière juif, à moins de le circoncire mort. Ceci a fait l’objet d’un débat houleux à la Knesset.

B) Débat actuel

La circoncision féminine a été pratiquée par les juifs. Elle continue à l’être chez les juifs éthiopiens (les Falachas). Nous ne connaissons pas sa justification religieuse, mais les Falachas disent qu’elle était en usage à Jérusalem du temps de Salomon, et qu’eux la pratiquaient déjà lorsqu’ils sortirent de la Palestine pour venir en Abyssinie. On trouve par contre de nombreux juifs qui luttent contre la circoncision féminine tout en refusant de s’engager contre la circoncision masculine. On citera ici notamment M. Edmond Kaiser, fondateur de Terre des Hommes et de Sentinelles; Mme Herta Haas, fondatrice de Terre des Femmes; et Mme Fran Hosken, fondatrice de Women’s international network news. Ainsi on prêche la morale aux Africains au lieu de la prêcher aux Américains et aux Juifs. Ceci relève de l’hypocrisie, de la lâcheté et de l’impérialisme culturel.

La circoncision masculine continue encore aujourd’hui à être pratiquée par l’écrasante majorité des juifs bien qu’ils aient abandonné de nombreuses autres normes bibliques: la loi du talion (Dt 19:21); la lapidation de l’adultère (Dt 22:23), etc.. On peut cependant constater qu’elle a connu aussi ses adversaires depuis les anciens temps. Des juifs l’avaient abandonnée et certains ont même restauré leur prépuce (I Mac 1:15; voir aussi I Cor 7: 18), raison pour laquelle Dieu aurait rejeté Ésaü, fils de Jacob, selon des récits juifs. Le Livre des Maccabées rapporte que les autorités grecques étaient hostiles à cette pratique et punissaient de mort celui qui la pratiquait. Mais les rabbins n’étaient pas plus tolérants à l’égard des incirconcis. Élie se plaint amèrement de ceux qui ont abandonné la circoncision (I R 19:10). Le livre des Maccabées rapporte que des zélotes juifs “firent une tournée pour… circoncire de force tous les enfants incirconcis qu’ils trouvèrent sur le territoire d’Israël” (I Mac 2:45-46). Encore aujourd’hui, les rabbins montrent une vive hostilité à l’égard de leurs coreligionnaires qui refusent de se faire circoncire.

Dans les temps modernes, le débat contre la circoncision parmi les juifs a débuté après la révolution française de 1789 dont le but était de créer une société civile où l’appartenance aux communautés religieuses est remplacée par une appartenance nationale. En 1842, un groupe de juifs à Frankfurt a proposé la suppression de la circoncision et son remplacement par une cérémonie religieuse égalitaire pour les garçons et les filles, sans faire couler le sang. En 1866, 66 médecins viennois juifs ont signé une pétition contre la pratique de la circoncision. En 1871, les rabbins ont décidé à Augsbourg qu’un enfant né d’une mère juive resté non circoncis pour une raison quelconque devait être considéré comme juif. On signale à cet égard que le fils d’Herzl, fondateur du sionisme, n’était pas circoncis à sa naissance; il le fut à son adolescence sur insistance des disciples de son père.

Ce courant opposé à la circoncision s’est transféré aux États-Unis avec les immigrés juifs. Dans ce pays, les rabbins réformés ont décidé en 1892 de ne plus imposer la circoncision aux nouveaux convertis. Mais avec l’augmentation des naissances dans les hôpitaux américains et la généralisation de la circoncision masculine, les rabbins se sont vus confrontés à une pratique de la circoncision qui n’est pas conforme aux normes juives, étant faite par des médecins, dans les trois jours qui suivent la naissance et sans le rituel religieux. Ils ont essayé d’y remédier en formant des circonciseurs juifs. Et comme le mariage religieux est reconnu aux États-Unis, les rabbins ont essayé de reprendre le terrain perdu en refusant de marier ceux qui ne sont pas circoncis. Les événements de la deuxième guerre mondiale sont venus renforcer la pratique de la circoncision. En 1979, l’assemblée générale des rabbins a décidé que la circoncision était obligatoire et qu’elle devait être faite selon les normes juives avec le rituel religieux.

Actuellement, on assiste à un renouveau de la critique contre la circoncision dans les milieux juifs américains, critique axée surtout sur ses désavantages médicaux et psychiques. En raison de l’hostilité croissante du corps médic

al envers la circoncision médicale, les juifs se retrouvent progressivement seuls devant la décision. Leur sentiment religieux devenu faible, ils ne sont plus motivés à pratiquer la circoncision religieuse, soit en refusant de faire circoncire leurs enfants, soit en les faisant circoncire dans les hôpitaux sans rituel. Face à cette situation, certains auteurs juifs demandent d’être plus souple dans la pratique de la circoncision, en privilégiant le rituel à l’amputation du prépuce, en établissant un rituel parallèle aux filles et en permettant la pratique de la circoncision par des femmes. Mais d’autres ont opté pour la suppression de la mutilation tout en maintenant un rituel religieux égalitaire pour les garçons et les filles. Au lieu de couper le prépuce, certains proposent de couper une carotte à titre symbolique. D’autres enfin rejettent aussi bien le rituel que la mutilation.

Cette contestation a gagné Israël où des activistes des droits de l’homme ont créé en 1997 une organisation pour lutter contre les mutilations sexuelles. Des dizaines de parents, malgré l’hostilité de leurs familles, refusent de circoncire leurs enfants, pratique qu’ils considèrent comme contraire à la législation israélienne qui interdit l’abus et les mauvais traitements contre les enfants. Le chanteur et critique littéraire Menachem Ben dit qu’il a circoncis son fils à sa manière, en se référant au texte de la Bible qui parle de la circoncision du cœur: “Circoncisez-vous pour Yahvé, ôtez le prépuce de votre cœur” (Jr 4:4). A ceux qui avancent les avantages de la circoncision, ces opposants répliquent qu’il y a plus d’enfants qui meurent à cause de la circoncision que des infections contre lesquelles elle est censée protéger, et qu’il suffit de laver le pénis pour le maintenir propre. Invoquant Maïmonide, ils ajoutent que la circoncision réduit le plaisir sexuel.

Le Grand Rabbin d’Israël Eliahu Bakshi Doron dit qu’à son grand chagrin il savait que cela finira par arriver: La haine de soi-même a pris le peuple; l’idée que tout ce qui est juif est abominable s’est étendue à la circoncision. Il ajoute que les prétentions que la circoncision pourrait causer un dommage ne justifient pas de douter de cette coutume ancienne. Et même si la circoncision lèse le plaisir sexuel, cela n’est pas une tragédie.

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