Circoncision: débat chrétien pour et contre

Jean-Baptiste était circoncis. Jésus était circoncis. Les apôtres de Jésus étaient circoncis. Mais vite le christianisme a pu libérer l’humanité de cette barbarie remplacée par le baptême pour les garçons et les filles. Certains cependant, rattachés à la lettre de l’Ancien Testament ou pour des raisons pseudo-scientifiques, continuent à pratiquer cette barbarie.

A) Nouveau Testament

Jésus attaqua fortement les autorités religieuses de son temps. Il dénonça la loi du talion (Mt 5:38-39) et la lapidation de l’adultère (Jn 8:3-11). Mais nous ne trouvons aucune position concrète de Jésus concernant la circoncision. Des quatre évangiles, seul l’évangile de Luc nous rapporte que Jésus a été circoncis “lorsque furent accomplis les huit jours” (Lc 2:21). Mais on ne trouve aucune position de la part de Jésus dans ce domaine dans les Evangiles canoniques.

Lorsque des non-juifs ont commencé à devenir chrétiens, il y a eu un grand débat sur la circoncision rapporté par les Actes des apôtres. Après que Pierre ait répondu à l’invitation d’un centurion romain incirconcis et l’ait converti, les chrétiens circoncis d’origine juive l’ont pris à partie, lui reprochant d’être entré chez des incirconcis et d’avoir mangé avec eux (11:2-3). Pierre a justifié son geste par une vision dans laquelle il a entendu une voix lui dire à trois reprises: “Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé” (10:15-16 et 11:8-10). Mais les circoncis ne l’entendaient pas de cette oreille: “certains gens descendus de Judée enseignaient aux frères: Si vous ne vous faites pas circoncire suivant l’usage qui vient de Moïse, vous ne pouvez être sauvés” (15:1). La question fut traitée dans une réunion des apôtres et des anciens qui se tint à Jérusalem (15:2). Jacques arbitra le débat en décidant “qu’il ne faut pas tracasser ceux des païens qui se convertissent à Dieu. Qu’on leur demande seulement de s’abstenir de ce qui a été souillé par les idoles, des unions illégitimes, des chairs étouffées et du sang” (15:19-20).

Paul, chargé de convertir les païens, est revenu à plusieurs reprises sur cette question. Deux passages résument sa position:

– Que chacun continue de vivre dans la condition que lui a départie le Seigneur, tel que l’a trouvé l’appel de Dieu. C’est la règle que j’établis dans toutes les Églises. Quelqu’un était-il circoncis lors de son appel? qu’il ne se fasse pas de prépuce. L’appel l’a-t-il trouvé incirconcis? qu’il ne se fasse pas circoncire. La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien; ce qui compte, c’est de garder les commandements de Dieu (I Cor 7: 17-20).

– Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, celui qui s’achemine vers la vraie connaissance en se renouvelant à l’image de son Créateur. Là, il n’est plus question de Grecs ou de Juifs, de circoncision ou d’incirconcision, de Barbare, de Scythe, d’esclave, d’homme libre; il n’y a que le Christ, qui est tout et en tout (Col 3:10-11).

D’obligatoire, la circoncision est devenue ainsi facultative, pour des raisons théologiques et tactiques. On remarquera ici qu’on ne trouve aucune référence dans les textes de l’Ancien ou du Nouveau Testament évoquant l’inviolabilité de l’intégrité physique d’une personne non consentante, ou une justification médicale pour la circoncision, principaux arguments utilisés aujourd’hui dans la discussion de la circoncision masculine et féminine.

B) Débat actuel

Le débat sur la circoncision masculine a continué dans les premiers siècles parmi les chrétiens. Origène (185-254) présente la circoncision charnelle d’Abraham comme “une figure de la circoncision spirituelle”: Il cite Paul: “Beaucoup de choses se produisaient en figure et en image de la réalité à venir” (1 Cor 10:11). Il ajoute que la circoncision qui est demandée par Dieu est celle du cœur (dite spirituelle) et non pas du prépuce (dite charnelle). Pour lui, l’homme doit circoncire non seulement le prépuce, mais tous ses membres en s’abstenant de les utiliser pour commettre le péché. Il traite la circoncision charnelle de pratique “honteuse, répugnante, hideuse, et que, rien que par son mode et son aspect extérieur, elle fait obscène”.

Cette interprétation allégorique de la circoncision se retrouve chez Cyrille, Patriarche d’Alexandrie (v. 376/380-444), lequel reproche aux juifs d’avoir pris la Bible à la lettre. Citant Paul (I Cor 7:19), il écrit: “Le sens de la circoncision véritable atteint sa plénitude non pas dans ce que subit la chair, mais dans la volonté de faire ce que Dieu prescrit. A cet argument religieux, Cyrille ajoute celui de la perfection de la nature humaine:

Le Dieu qui est au-dessus de toutes choses a créé des milliers de races d’êtres vivants dépourvus de raison. Or il apparaît qu’il n’y a dans leur constitution orientée vers la beauté la plus exacte, rien qui soit imparfait ni superflu. Elles sont tout à fait affranchies de ces deux calomnies et ont échappé à cette double accusation. Comment donc Dieu, l’artiste par excellence, lui qui a eu une telle attention dans les plus petites choses, aura-t-il fait une erreur dans la plus précieuse de toutes? Et lorsqu’il y introduit dans le monde celui qui est à son image, l’aura-t-il fait paraître plus laid que les êtres dépourvus de raison, s’il est vrai qu’en eux il n’y a aucune erreur, alors qu’en lui il en est une?

Saint Thomas d’Aquin dit clairement que le chrétien qui se fait circoncire commet un péché mortel. Malgré cette opposition, la circoncision a continué dans certaines communautés chrétiennes au Proche-Orient en contact avec les musulmans et les juifs. C’est notamment le cas des Coptes d’Égypte, du Soudan et d’Éthiopie qui pratiquent tant la circoncision masculine que féminine. Dans mes
discussions avec les Coptes d’Égypte, j’ai constaté qu’ils utilisent les mêmes arguments que les musulmans: la circoncision d’Abraham et de Jésus. Ils ne sont pas au courant de la position des Actes des apôtres ou des lettres de Saint Paul. Quant aux responsables religieux coptes, ils disent que le baptême a remplacé la circoncision pour le chrétien. Se référant à Saint Paul, Anba Gregorius répète que la circoncision n’est rien. Il n’y voit que coutume et mesure hygiénique facultative. Le chrétien qui veut se faire circoncire doit cependant le faire avant le baptême. S’il le fait après, il commet un péché mortel.

Dans notre siècle, le débat religieux autour de la circoncision masculine a repris de plus belle parmi les chrétiens, notamment parmi les fondamentalistes protestants des Etats-Unis. Dans ce pays, la justification scientifique sert à réhabiliter l’Ancien Testament. Et cela ne se limite pas au domaine de la circoncision.

Publié en 1963, actuellement dans son 15ème tirage, le livre Non of these diseases du médecin chrétien McMillen a été vendu à plus d’un million d’exemplaires. Le titre de ce livre provient d’une citation d’Exode mentionnée dans la préface:

Si tu écoutes bien la voix de Yahvé ton Dieu et fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l’oreille à ses commandements et observes toutes ses lois, tous les maux que j’ai infligés à l’Égypte, je ne te les infligerai pas, car je suis Yahvé, celui qui te guérit (Ex 15:26).

Cet ouvrage dit que la promesse contenue dans ce verset reste pertinente même au vingtième siècle. Il consacre un chapitre à la sagesse derrière la circoncision. Rapportant un cas de décès par cancer, il prétend que les juifs ne souffrent que rarement du cancer du pénis, à cause de la circoncision instituée par Dieu. La circoncision doit se faire comme prescrite par Dieu au huitième jour… pour des raisons médicales: la vitamine K se développe le plus au huitième jour. Faire l’opération avant donne lieu à plus d’hémorragie; la faire plus tard traumatise l’enfant. Il oublie cependant que la circoncision à cet âge est la plus dangereuse du fait que le prépuce est souvent collé au gland, ce qui augmente le risque d’hémorragie.

Le Pasteur Dan Gayman a écrit un pamphlet: Lo, children… our heritage from God, titre inspiré du Psaume 127:3: “C’est l’héritage de Yahvé que des fils récompense”. Il y présente la circoncision comme une directive non seulement pour la santé du mâle, mais aussi pour sa moralité et sa spiritualité. Elle a été donnée à Abraham et doit être pratiquée par tous ses descendants au huitième jour, y compris les chrétiens. Elle aide à maintenir la pureté en réduisant la sexualité et à prévenir de nombreuses maladies. Ceux qui désobéissent aux ordres divins doivent s’attendre à subir les conséquences néfastes.

L’évangéliste de la télévision Pat Roberston qui s’était présenté à la présidence des États-Unis en 1988 dit: “Si Dieu a donné des instructions à son peuple d’être circoncis, ceci est certainement pour une bonne raison puisque Dieu est parfait dans sa sagesse et sa connaissance”.

Le Pasteur Jim Bigelow conteste cette utilisation de la Bible. S’il est vrai que la circoncision prescrite par Dieu aux juifs est bonne, alors il faut aussi considérer comme bonnes toutes les prescriptions bibliques comme les normes relatives à la purification des femmes, aux normes de la nourriture kasher, etc. La Bible dit: “Vous ne pourrez manger aucune bête crevée. Tu la donneras à l’étranger qui réside chez toi pour qu’il la mange, ou bien vends-la à un étranger du dehors. Tu es en effet un peuple consacré à Yahvé ton Dieu” (Dt 14:21). Comment Dieu peut-il interdire aux uns et permettre aux autres de manger une bête crevée?

Bigelow ajoute que la circoncision pratiquée aujourd’hui diffère de la circoncision symbolique prévue dans la Bible et qui consistait à couper une partie minime du prépuce. On ne saurait donc lui attribuer tous les bienfaits que les “scientifiques” lui attribuent. Et si Dieu voyait que la circoncision était nécessaire au huitième jour, pourquoi alors a-t-il laissé errer son peuple dans le désert pendant 40 ans sans circoncision? Si la circoncision était nécessaire, il serait inconcevable que le Nouveau Testament la considère comme “rien” (I Cor 7:19). Dieu peut-il exposer ses croyants pendant deux milles ans aux dangers si la circoncision était véritablement utile pour la santé? Or, les textes du Nouveau Testament sont inspirés par le Saint Esprit.

Romberg, infirmière chrétienne mariée à un juif, et auteur d’un grand ouvrage contre la circoncision, explique que des parents chrétiens, tout en sachant que la circoncision n’a pas de raison d’être sur le plan médical, estiment que la circoncision est bonne étant prescrite par l’Ancien Testament. De ce fait, elle a écrit un petit document de six pages pour les en dissuader. Sa position peut être résumée comme suit:

– Certaines pratiques prévues par la Bible ne sont plus acceptées aujourd’hui, comme brûler des oiseaux et des animaux.

– Pour les chrétiens, la question de la circoncision a été tranchée par le Nouveau Testament qui la considère comme “rien”.

– La Bible n’a pas prescrit la circoncision pour des raisons hygiéniques. En outre, elle en parle d’une manière métaphorique: circoncision du cœur, des oreilles.

– Jésus était circoncis, mais Marie et Joseph étaient juifs et n’avaient pas le choix dans ce temps-là. Saint Ambroise explique: “Puisque le prix a été payé pour tous par le Christ par sa souffrance, il n’y a plus besoin de faire couler le sang de chacun par la circoncision”.

En faisant souffrir les enfants, dit-elle, la circoncision va contre les deux principes du Nouveau Testament: “Le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi” (Ga 5:22-23) et “Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous mêmes pour eux” (Mt 7:12).

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