Circoncision: débat musulman pour et contre

Après avoir vu le débat juif et chrétien sur la circoncision, il nous faut maintenant voir le débat musulman sur cette pratique barbare.

Le Coran et la Sunnah

Le Coran, la première source du droit musulman, ne mentionne ni la circoncision masculine ni la circoncision féminine. Des auteurs musulmans trouvent cependant une justification de la circoncision masculine dans le verset 2:124: “En ce temps-là, ton Seigneur testa Abraham par des paroles, et il les accomplit. Il dit: “Je ferai de toi un guide pour les humains”.

Recourant à certains récits de Mahomet, les auteurs musulmans classiques et modernes interprètent le terme “paroles” comme se référant à la circoncision d’Abraham. Or, comme Abraham est un modèle pour les musulmans, ceux-ci doivent agir comme il a agi: “Puis nous t’avons révélé: “Suis la religion d’Abraham, [qui était] tourné [vers Dieu] et n’était point au nombre des associateurs” (16:123).

A défaut de texte coranique clair, les auteurs musulmans classiques et modernes recourent à des récits de Mahomet.

– Mahomet a demandé à une circonciseuse si elle continue à pratiquer son métier. Elle a répondu par l’affirmative en ajoutant: “à moins que cela ne soit interdit et que tu ne me commandes de cesser cette pratique”. Mahomet lui a répliqué: “Mais si, c’est permis. Approche-toi de moi pour que je puisse t’enseigner: Si tu coupes, n’exagère pas car cela rend plus rayonnant le visage et c’est plus agréable pour le mari”.

– Mahomet dit: “La circoncision est une sunnah pour les hommes et makrumah pour les femmes”. Le terme sunnah ici signifie qu’elle est conforme à la tradition de Mahomet, ou tout simplement une coutume du temps de Mahomet. Le terme makrumah signifie “action méritoire”. Ce qui implique qu’il est préférable de pratiquer la circoncision féminine. Les chi’ites citent l’Imam Al-Sadiq: “la circoncision féminine est une makrumah, et qu’y a-t-il de meilleur qu’une makrumah?”

– Mahomet dit: “Celui qui devient musulman qu’il se circoncise même s’il est âgé”.

– On demanda à Mahomet si un incirconcis pouvait faire le pèlerinage. Il répondit: “Non, tant qu’il n’est pas circoncis”.

– Mahomet dit: “Cinq [normes] appartiennent à la fitrah: le rasage du pubis, la circoncision, la coupe des moustaches, l’épilation des aisselles et la taille des ongles”. Le terme fitrah désignerait les pratiques que Dieu a enseignées à sa créature. Celui qui recherche la perfection doit se conformer à ces pratiques.

– Mahomet dit: “La terre devient impure pendant quarante jours par l’urine d’une personne incirconcise”. Ce récit est rapporté dans les ouvrages chi’ites.

Les auteurs musulmans classiques rapportent aussi que Sarah, jalouse de Hagar, s’est disputé avec elle et a juré de la mutiler. Abraham a protesté. Sarah a répondu qu’elle ne pouvait parjurer. Alors Abraham a indiqué à Sarah de la circoncire “pour que la circoncision devienne une norme parmi les femmes”. Ils citent aussi l’évangile apocryphe de Barnabé selon lequel le Christ aurait confirmé l’obligation de la circoncision masculine.

Débat musulman actuel autour de la circoncision masculine

La circoncision ne semble pas avoir été toujours prescrite parmi les musulmans. Les auteurs class

iques ne sont pas unanimes concernant la circoncision de Mahomet. Certains spéculent qu’il est né circoncis et d’autres, qu’il a été circoncis par un ange ou par son grand-père. Mais très probablement, il ne fut pas circoncis puisque ni Ibn-Ishaq, ni Ibn-Hisham, les deux fameux biographes de Mahomet, ne parlent jamais de sa circoncision. Ayant appris le décès de vieillards auxquels un gouverneur avait commandé de se circoncire après leur conversion, Hasan Al-Basri s’indigna et dit que beaucoup de gens appartenant à différentes races sont devenus musulmans du temps de Mahomet et personne n’a cherché sous leurs habits pour voir s’ils étaient circoncis, et ils ne furent pas circoncis. Al-Tabari dit que le Calife Umar Ibn Abd-al-Aziz a écrit à son général d’armée Al-Jarrah Ibn Abd-Allah après avoir conquis la région de Kharassan: “Celui qui prie devant toi vers la Mecque, dispense-le du paiement du tribut”. Les gens se sont pressés alors de se convertir à l’Islam. On a indiqué au général que les gens se convertissaient pour ne pas payer le tribut et qu’il lui fallait les soumettre à l’épreuve de la circoncision. Le général a consulté le Calife. Celui-ci lui a répondu: “Dieu a envoyé Mahomet pour appeler les gens à l’Islam et non pas pour les circoncire”.

Plus proche de nous, certains ont rejeté l’interprétation qui est faite du verset 2:124, interprétation que Muhammad Abduh attribue aux juifs pour ridiculiser la religion musulmane. L’Imam Shaltut dit aussi que cette interprétation est excessive. Se basant sur l’autorité de l’Imam Al-Shawkani, il dit que les récits concernant la circoncision masculine et féminine ne sont ni clairs ni authentiques. Malgré cela, l’écrasante majorité des auteurs musulmans modernes soutient que la circoncision masculine est obligatoire. Nous avons cependant trouvé cinq auteurs musulmans modernes qui contestent la pratique de la circoncision masculine:

– Le penseur égyptien Isam-al-Din Hafni Nasif a traduit en arabe, en 1971, l’ouvrage de Joseph Lewis In the name of humanity, sous le titre La circoncision est une erreur israélite nuisible. Dans sa préface, plus longue que l’ouvrage lui-même, Nasif demande de mettre fin à la circoncision masculine qu’il considère comme une pratique barbare introduite par les juifs dans la société musulmane.

– Le journaliste sarcastique Muhammad Afifi a publié dans la revue cairote Al-Hilal, avril 1971, un long compte-rendu de l’ouvrage susmentionné traduit par Nasif. Il n’y cache pas son hostilité à la circoncision masculine.

– Le juge libyen Mustafa Kamal Al-Mahdawi estime que la circoncision masculine est une coutume juive. Les juifs croient que Dieu ne les voit que s’ils portent la marque de la circoncision ou s’ils marquent de sang leurs portes. Il se réfère ici au commandement de Dieu donné aux juifs pour qu’ils mettent le sang de l’animal sacrifié sur les deux montants et le linteau des maisons parce qu’il entendait frapper tous les premiers-nés en Égypte (Ex 12:7-13). Al-Mahdawi ajoute que le Coran ne mentionne pas une telle “logique spécieuse”. Dieu ne s’adonne pas à de tels badinages tout comme il n’a pas créé le prépuce comme objet superficiel destiné uniquement à être coupé. Il cite le verset: “Notre Seigneur, tu n’as pas créé tout ceci en vain! Gloire à toi! Préserve-nous du châtiment du feu” (3:191).

– Jamal Al-Banna, frère cadet de l’Imam Hassan Al-Banna (fondateur du mouvement des Frères musulmans), invoquant le verset “Oui, nous avons créé l’homme dans la forme la plus parfaite” (95:4), dit que la circoncision masculine et féminine ne font pas partie de la religion musulmane puisqu’elles ne figurent pas dans le Coran.

– Nawal Al-Saadawi, après avoir longtemps plaidé contre la circoncision féminine, a commencé à s’attaquer aussi à la circoncision masculine dans la presse égyptienne. Elle a confirmé son opposition à cette pratique dans la préface qu’elle a écrite à notre ouvrage sur la circoncision en langue arabe. Elle estime que la circoncision masculine est un crime au même titre que la circoncision féminine même si elle diffère de cette dernière dans le degré et la forme.

Quant à nous, nous croyons que la circoncision masculine est une institution introduite dans la communauté musulmane par les juifs convertis. Il importe à cet égard de rappeler les deux points suivants:

– Le Coran est le seul livre sacré qui ne parle jamais de la circoncision. Le mot circoncision n’y figure pas, alors que la Bible des juifs contient plusieurs pages sur la circoncision considérée comme obligatoire. Il en est de même de l’Evangile qui abolit l’obligation de la circoncision.

– Si le Coran ne parle pas de la circoncision, c’est parce qu’il insiste beaucoup sur l’intégrité physique et considère même le fait de couper les oreilles des animaux comme une obéissance au démon. Voici ce que dit le Coran: ” Que Dieu le maudisse. [Le satan] a dit: “Je prendrai de tes serviteurs une part imposée. Je les égarerai, les ferai souhaiter et leur ordonnerai, et ils fendront les oreilles aux bétails. Je leur

ordonnerai, et ils changeront la création de Dieu”. Quiconque prend le satan pour allié hors de Dieu perdra, une perte manifeste” (4:118-119).

Débat musulman actuel autour de la circoncision féminine

Bien que l’on trouve beaucoup d’auteurs musulmans qui condamnent la circoncision féminine, la majorité de ces auteurs, y compris dans les pays qui ne connaissent pas cette pratique, soutient qu’elle est une makrumah, acte méritoire, en se basent sur des récits de Mahomet. Le débat fait surtout rage en Égypte où 97% des femmes sont excisées. Dans ce pays, la Commission de fatwa a rendu plusieurs fatwas:

– La fatwa du 28 mai 1949 a déclaré que l’abandon de la circoncision féminine ne constitue pas un péché.

– La fatwa du 23 juin 1951 considère qu’il est souhaitable de pratiquer la circoncision féminine parce qu’elle modère la nature. Elle ne permet pas de prendre en considération les avis des médecins sur ses méfaits.

– La fatwa du 29 janvier 1981, dont l’auteur est Jad-al-Haq, devenu par la suite le Cheikh de l’Azhar, affirme qu’il n’est pas possible d’abandonner les enseignements de Mahomet en faveur de l’enseignement d’autrui, fut-il un médecin, parce que la médecine évolue et n’est pas constante. La responsabilité de la circoncision des filles incombe aux parents et à ceux qui en ont la charge. Il ajoute: “Si les gens d’une contrée refusent de pratiquer la circoncision masculine et féminine, le chef de l’État peut leur déclarer la guerre”.

– Jad-al-Haq a réitéré sa position dans une autre fatwa d’octobre 1994, dans laquelle il répéta trois fois la phrase relative à la déclaration de la guerre contre ceux qui abandonnent la circoncision masculine et féminine.

Tous les musulmans qui pratiquent la circoncision féminine pensent qu’elle fait partie de la religion. L’incirconcision a des conséquences graves sur le plan social. Dans certains milieux égyptiens, la fille incirconcise a des difficultés à se marier et les gens commencent à parler d’elle comme de personne de mauvaise conduite, possédée par le diable. Dans ce pays, la matrone qui pratique la circoncision féminine délivre un certificat qui sert pour le mariage. El-Masry rapporte les dires d’une sage-femme égyptienne qui avait circoncis plus de 1000 filles. Selon elle, “on devait lyncher les pères qui s’opposeraient à l’excision de leurs filles, parce que ces pères acceptaient en somme que leurs filles deviennent des prostituées”.

De nombreuses organisations des pays musulmans où la circoncision féminine est pratiquée essaient de s’y opposer. Elles rappellent que le Coran affirme la perfection de la créature de Dieu. Les adversaires de la circoncision féminine ajoutent que les récits attribués à Mahomet sont peu crédibles. C’est l’avis de l’Imam Shaltut et du Cheikh Al-Tantawi qui estiment qu’à défaut de base certaine dans le Coran et les récits de Mahomet, il faut se référer à l’opinion des médecins.

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