Sami Aldeeb: La Palestine et le nazisme juif – Episode 4

C’est le quatrième épisode de la série d’articles intitulés La Palestine et le nazisme juif, publiés en arabe et en français, enregistrés sur ma chaîne youtube https://www.youtube.com/user/samialdeeb/videos. Les articles en langue arabe sont publiés sur ma page dans le forum arabe http://www.ahewar.org/m.asp?i=5388

Je répète ici que la notion de nazisme juif n’est pas de moi. Elle est empruntée au philosophe israélien Yeshayahu Leibowitz, Professeur de l’Université hébraïque de Jérusalem, décédé en 1994, opposant de la politique d’Israël, qu’il décrit comme étant un régime judéo-nazi.

Nous parlerons aujourd’hui du remplacment des non-juifs par des juifs venus de partout, et l’exclusion des non-juifs du droit au retour dans leurs propres villages et terres, pour le seul crime qu’ils ne sont pas juifs.  Ceci confirme qu’Israël, qui se définit comme État juif,  est un régime judéo-nazi. 

1) Le droit au retour pour les juifs

L’expulsion massive des non-juifs avait pour but de vider le pays. Après l’expulsion, l’Etat d’Israël a forgé un arsenal juridique pour faire venir les juifs à leur place et pour leur garantir la majorité dans le pays.

La loi du retour de 1950 accorde à tout juif le droit d’immigrer en Israël. Un amendement de 1970 précise: « Pour les besoins de cette loi, est considérée comme juive une personne née de mère juive ou convertie au judaïsme et qui n’appartient pas à une autre religion ».

La loi de 1952 accorde la nationalité automatiquement à tout juif qui se trouvait en Palestine avant la création de l’Etat d’Israël et à tout juif qui y viendrait après sa création. Un amendement de 1971 permet même d’accorder la nationalité israélienne sans nécessité de venir s’installer en Palestine. Claude Klein écrit en 1977: « Depuis l’adoption de cet amendement, il semble que plusieurs centaines de personnes aient bénéficié de ce mode très spécial d’acquisition de la nationalité ».

La venue des juifs en Israël n’a pas toujours été volontaire. Différents moyens de pression, même illégaux, ont été utilisés pour les attirer et les garder en Israël. Ariel Sharon déclarait en 1952:

Je n’aurais pas honte de dire que si j’avais autant de force que de volonté, j’aurais choisi un certain nombre de jeunes gens intelligents et capables, entièrement acquis à l’idéal sioniste que j’enverrai partout dans le monde; ces jeunes gens cacheront leur identité juive et diront aux juifs de la diaspora: « Juifs sanguinaires … allez en Palestine ». Je garantis que les résultats seraient mille fois meilleurs que ceux obtenus par nos prédicateurs qui s’adressent depuis des dizaines d’années à des oreilles sourdes.

Aujourd’hui, ce sont les juifs soviétiques qui subissent ces pressions. Jusqu’à 1988, les juifs ayant quitté l’ex-URSS pour Israël devaient passer dans des pays de transit. 90% de ces juifs profitaient de ce passage pour se rendre vers d’autres destinations, essentiellement les Etats-Unis. Mais en 1988 fut signé un accord entre les Etats-Unis, l’ex-URSS et Israël qui prévoit les points suivants:

– l’ouverture des frontières soviétiques pour tous les juifs qui souhaitent émigrer;

– une complète autonomie d’action pour Israël et les organisations de la diaspora juive contrôlée par Israël, en vue d’organiser l’émigration;

– la réduction drastique de l’immigration juive vers les Etats-Unis.

A la suite de cet accord, les immigrés juifs soviétiques ne sont plus autorisés à choisir une autre destination qu’Israël. Ces immigrés quittent l’ex-URSS pour Israël avec un document israélien qui n’est valable qu’en Israël. A leur arrivée dans ce pays, ils doivent signer un Livret de l’Agence juive qui devient leur document officiel. Tout ce qu’ils doivent à l’Etat hébreu y est inscrit. Ils doivent également s’engager par écrit à rembourser toute somme qui sera dépensée pour eux ou qui leur sera donnée, y compris les dépenses faites pour leur voyage.

Arrivés en Israël, ces immigrés découvrent la réalité. Mais c’est souvent trop tard. Pendant l’année qui suit leur arrivée, ils ne sont pas autorisés à posséder un passeport israélien. Ils ne peuvent quitter Israël pendant cinq ans à compter de leur arrivée, à moins de payer une indemnité prohibitive, de l’ordre de 6’000 dollars par personne, 24’000 dollars pour une famille de quatre personnes. Ceux qui parviennent à quitter Israël sont confrontés à des refus d’accueil de la part des pays européens. Ainsi, des juifs soviétiques partis d’Israël ont demandé l’asile politique en Hollande. Mais, sous la pression d’Israël, le gouvernement hollandais le leur a refusé, et leur a appliqué une procédure d’expulsion accélérée. La nuit du 15-16 décembre 1991, la police a investi le camp de Beatrixwood avec des chiens. Elle s’est heurtée à une résistance désespérée. L’un des réfugiés a sauté par la fenêtre pour ne pas être déporté et s’est retrouvé à l’hôpital gravement blessé. 43 autres, hommes, femmes et enfants, ont été menottés et emmenés en chemise de nuit et pyjama dans l’avion qui les a déposés ainsi à Tel-Aviv.

2) Pas de droit au retour pour les palestiniens

La facilité avec laquelle un juif acquiert la nationalité israélienne contraste avec la difficulté rencontrée par le non-juif même né en Palestine. Ce dernier doit remplir trois conditions cumulatives prévues par l’article 3 de la loi sur la nationalité:

– qu’il ait été enregistré le 10 mars 1952 en tant qu’habitant, suivant l’ordonnance sur le recensement des habitants de 1949;

– qu’il soit habitant d’Israël le 14 juillet 1952, date de l’entrée en vigueur de la loi sur la nationalité;

– qu’il ait séjourné en Israël ou en territoire devenu israélien depuis le 15 mai 1948 jusqu’au 14 juillet 1952, ou bien qu’il soit entré légalement en Israël pendant cette période.

Ces conditions draconiennes visent en fait à exclure du droit au retour et à la nationalité les palestiniens qui avaient fui les combats ou qui ont été expulsés. Elles excluaient aussi les palestiniens restés en Palestine qui ne remplissaient pas les trois conditions susmentionnées. Cette situation, sans disparaître complètement, a été modifiée seulement en 1980, 32 ans après la naissance de l’Etat d’Israël. Eliezer Peri, dans le débat de la Knesset, signalait qu’en vertu de la loi sur la nationalité avant la modification, 90% des arabes d’Israël pouvaient être considérés comme apatrides. L’amendement approuvé en 1980, fort compliqué, peut toujours être utilisé pour priver de la nationalité des palestiniens nés en Palestine et qui n’ont jamais quitté Israël après sa création.

La restriction pour l’acquisition de la nationalité israélienne par les palestiniens restés dans le pays en 1948 est doublée d’une interdiction du retour des réfugiés palestiniens dans leur pays.

Le 11 mai 1949, Israël a été admis comme membre de l’ONU. Le préambule de la résolution 273 (III) relative à cette admission renvoie à la résolution 194 du 11 décembre 1948, qui reconnaît aux réfugiés palestiniens qui le désirent le droit « de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins ». Cette dernière résolution ajoutait que « des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables ». Le droit au retour a été confirmé à plusieurs reprises par les Nations Unies mais toujours rejeté par Israël.

Le Comte Bernadotte, médiateur spécial des Nations Unies, avait, lui aussi, insisté à plusieurs reprises sur le droit des réfugiés palestiniens de revenir dans leurs foyers. C’est une des raisons de son assassinat décidé par trois dirigeants du groupe Lehi, dont Yitzhak Shamir, devenu Premier Ministre israélien.

Des réfugiés palestiniens ont essayé de revenir dans leur pays à travers les frontières. L’Etat d’Israël cependant les expulsait à nouveau non sans leur confisquer leur argent, leurs bijoux et leurs papiers. Face au nombre croissant de ces infiltrés, des ordres ont été donnés à l’armée pour qu’elle tire à vue sur toute personne qui tenterait de revenir chez elle. En 1954, une loi a été promulguée prévoyant des sanctions sévères contre les infiltrés et leur réexpulsion. Cette loi n’est appliquée qu’à l’égard des non-juifs qui reviennent dans leur propre pays.

Relevons ici qu’à une ou deux exceptions près, même les mouvements de paix israéliens opposés à la politique israélienne d’occupation refusent de reconnaître le droit des réfugiés palestiniens au retour. C’est le cas du Centre international pour la paix au Proche-Orient qui organise de nombreux colloques sur la question palestinienne sans jamais parler des réfugiés. Arieh Yaari, directeur académique de ce Centre, affirme dans une correspondance que les réfugiés ne seront pas autorisés à revenir chez eux, « afin de garder le caractère juif de l’Etat d’Israël ». Le rejet du droit au retour est aussi affirmé par Adam Keller, rédacteur en chef de The other Israel, bulletin d’information publié par le Conseil israélien pour la paix israélo-palestinienne (dont font partie Uri Avnery et Matti Peled). Il en est de même d’A. B. Yehoshua, professeur de l’Université de Haïfa et membre d’un groupe d’intellectuels israéliens opposés à la politique israélienne.

Voilà donc des organisations juives qui prétendent être pour la paix, mais qui refusent le retour des réfugiés palestiniens chez eux, pour le seul crime qu’ils ne sont pas juifs. Ce qui fait de ces organisations de veritables organisations nazies.

Les réfugiés palestiniens enregistrés par l’UNRWA sont répartis dans des camps comme suit:

Pays                               

Liban                             12

Syrie                               13

Jordanie                         10

Cisjordanie                    19

Bande de Gaza              8

Total  des camps           62

On reproche souvent aux pays arabes d’avoir maintenu les réfugiés palestiniens dans des camps pour les exploiter politiquement, au lieu de les intégrer. Ceux qui formulent de tels reproches évitent sciemment de parler du droit au retour des réfugiés palestiniens dans leur propre pays. Ils oublient aussi que dans les frontières actuelles d’Israël vivent des réfugiés palestiniens dans 28 camps (20 en Cisjordanie et 8 dans la Bande de Gaza). Ces réfugiés se trouvent à quelques kilomètres de leurs villages et terres d’origine; Israël leur interdit de revenir chez eux parce qu’ils ne sont pas juifs.

On entend souvent un argument fort curieux de la bouche même des diplomates israéliens. Ils disent qu’Israël a accueilli des milliers de juifs arabes. De ce fait, les pays arabes doivent prendre, en échange, les non-juifs de Palestine. Or, les non-juifs de Palestine sont dans leur propre pays, et ils n’ont jamais accepté un échange entre eux et les juifs arabes importés. Certes, les juifs arabes ont subi des exactions de la part des régimes arabes qui ont motivé parfois leur départ. L’Etat d’Israël cependant porte une lourde responsabilité dans la détérioration des rapports entre les juifs arabes et les régimes de leurs pays respectifs. Ces juifs ont souvent été poussés par Israël à quitter leurs pays; certains ont été chargés de force sur les bateaux. Les services secrets israéliens sont allés jusqu’à jeter des bombes dans une synagogue de Bagdad pour faire croire aux juifs qu’ils étaient persécutés en Irak. Ajoutons aussi que les palestiniens acceptent que les juifs qui souhaitent revenir dans leurs pays d’origine puissent le faire librement.

Il convient de noter que le droit de retour ne concerne pas seulement les réfugiés palestiniens expulsés par Israël hors de ses frontières, mais également les réfugiés palestiniens qui s’y trouvent, c’est-à-dire les « personnes déplacées dans leur propre pays » dont les biens ont été expropriés et qui ont été empêchés de retourner dans leurs villages et leurs maisons. Ils s’organisent pour faire valoir leurs droits. Ils ont tenu leur première réunion publique le 11 mars 1995 au Salam Palace Park, route Shafa’amr-Tamra, à laquelle ont assisté des représentants de 29 villages déplacés et environ 280 personnes. La déclaration présentée par le Comité local pour la défense des droits des personnes déplacées à la réunion des associations et comités de personnes déplacées tenue au siège de la Galilée Society dans la ville de Shafa’amr le 19/11/99 dit ce qui suit:
– Nous, les déplacés, qui représentons environ 250 000 personnes appartenant à la minorité arabe palestinienne ici, sommes citoyens de ce pays: nous ne sommes pas descendus du ciel ni n’y sommes venus en tant qu’immigrants, mais nous sommes ici dans notre pays, et nous n’avons pas d’autre pays. Par conséquent, Israël n’a aucun droit moral, politique et juridique, de nous garder sans-abri déplacés dans notre pays loin de nos villages et de nos maisons. La légalité internationale a reconnu le droit de retour et notre droit naturel de retour.
– Nous mettons en garde de ne pas contourner le problème des personnes déplacées par le gouvernement israélien et lui demandons d’ouvrir ce dossier, qui ne pourra jamais être effacé s’il veut réellement la paix. En prélude à cela, nous exigeons qu’il abroge toutes les lois racistes injustes et qu’il permette le retour des personnes déplacées dans leurs foyers.
– Le Comité appelle au maintien des sites sacrés dans tous les villages détruits et à la préservation de tous les sites archéologiques.
– Nous lançons un appel à toutes les instances politiques, aux cadres nationaux et civils, à notre peuple et à toutes les forces du bien pour qu’ils se tiennent à nos côtés. Notre retour est un moyen de nous fixer nous tous dans notre pays.
En tant que partie intégrante de notre peuple arabe palestinien, nous voudrions exprimer notre position:
– La question des réfugiés est au cœur de la cause palestinienne, et au cœur du conflit israélo-palestinien.
– Le droit des réfugiés palestiniens de retourner dans leur pays d’origine est un droit sacré. Cela ne peut être réalisé que par l’application de la légitimité internationale, dont la résolution 194 est la première.
– Nous mettons en garde contre le complot de quiconque contre la question des réfugiés palestiniens, secrètement ou publiquement, sous quelque prétexte que ce soit. Nous disons à haute voix, à tous, que la paix ne sera jamais réalisée sans résoudre le problème des réfugiés, y compris des personnes déplacées dans leur propre pays, dans le cadre d’une solution juste leur permettant de rentrer chez eux.

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Sami Aldeeb, dr en droit
Directeur du Centre de droit arabe et islamique https://www.sami-aldeeb.com
Mes ouvrages: https://sami-aldeeb.com/livres-books

Liste des localités palestiniennes détruites par Israël et dont les habitants ont été chassés pour le seul crime qu’ils ne sont pas juifs: https://goo.gl/7kfiWK

Discriminations contre les non-juifs en Israël: https://goo.gl/cDZ2Z4

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