Une lecture manichéenne et zoroastrienne des premiers versets de la sourate at-Tur 52 : Une contribution pour décoder les versets incompréhensibles du Coran

Source

Les sources utilisées dans cet article sont disponibles ici :

– Le Testament de Levi (Livre apocryphe de l’Ancien Testament)
– The Sea of Fire as a Chinese Manichaean Metaphor
– THE FIRMAMENT AND THE WATER ABOVE
– Heaven and Earth in the Gospel of Matthew
– The Westminster Dictionary of New Testament & Early Christian Literature & Rhetoric
– lettres envoyées d’Egypte par Jean-François Champollion en 1828 et 1829
– L’Avesta, livre sacré du Zoroastrisme, traduit en Français
– Kitab al-Fahrast الفهرست d’Ibn Nadim (en arabe)
– Kitab al-Maarif d’Ibn Qoutayba ابن قتيبة, كتاب المعارف (en arabe)

Ainsi que d’autres liens qui sont disponibles directement en cliquant sur les mots ou sur les phrases.

Dans cet article, nous allons proposer une nouvelle lecture de certains versets du début de la sourate at-Tur 52. C’est plus particulièrement le sixième verset qui fera l’objet d’un nouvel éclairage, étant donné le manque d’informations claires et les contradictions exégétiques que nous trouvons dans les livres islamiques autour de ce verset. Le premier verset sera aussi regardé de près. 
Les traditions et croyances manichéennes et zoroastriennes sont principalement utilisées dans cette lecture.
Voici les premiers versets de la sourate at-Tur 52 :

1-7 :سورة الطور52وَالطُّورِ (1) وَكِتَابٍ مَّسْطُورٍ (2) فِي رَقٍّ مَّنشُورٍ (3) وَالْبَيْتِ الْمَعْمُورِ (4) وَالسَّقْفِ الْمَرْفُوعِ (5) وَالْبَحْرِ الْمَسْجُورِ (6) إِنَّ عَذَابَ رَبِّكَ لَوَاقِعٌ (7

Sourate at-Tur 52:1-7« 1.Par Aṭ-Ṭūr (montagne) 2. Et par un Livre écrit 3. sur un parchemin déployé ! 4. Et par la Maison peuplée 5. Et par la Voûte élevée ! 6. Et par la Mer « en furie et embrasée » 7. Le châtiment de ton Seigneur aura lieu »

Représentation de la "mer en furie et embrasée" الْبَحْرِ الْمَسْجُورِ

Représentation de la « mer en furie et embrasée » الْبَحْرِ الْمَسْجُورِ

L’OCÉAN CÉLESTE DANS LA TRADITION ISLAMIQUE (البحر السماوي في الديانة الإسلامية)

Les exégèses des premiers versets de la sourate at-Tur 52, nous apprennent que « at-Tur » [verset 1] est un « mot syriaque » qui signifie « Montagne » et qui serait la « montagne de Sinaï » ou bien « une montagne dans le Paradis ». Les deuxième et troisième versets évoqueraient le « Coran » ou bien la « Torah ». Le quatrième verset serait une « mosquée dans le septième ciel » qui se trouve, selon le fameux hadith du voyage nocturne, juste « au-dessus de la Ka’baa » où « soixante-dix milles anges entrent pour prier ». La « Voûte élevée » du cinquième verset serait le « Ciel » comme décrit dans le verset 21:32 « Nous avons fait du ciel une voûte protégée », وَجَعَلْنَا السَّمَاءَ سَقْفًا مَّحْفُوظًا . Enfin, et c’est le verset qui nous intéresse le plus dans cet article, la sourate mentionne une « Mer en furie et embrasée » (الْبَحْرِ الْمَسْجُورِ) dans le sixième verset.

LA « MER EN FURIE ET EMBRASÉE » الْبَحْرِ الْمَسْجُورِ DANS LES LIVRES D’EXÉGÈSE ISLAMIQUE

Depuis les premiers siècles de l’islam et jusqu’à nos jours, les exégètes du Coran ne nous ont jamais donné de définition précise de cette « mer en furie et embrasée » citée dans le verset 52:6.
L’interprétation d’un des premiers exégètes du Coran, Mujahid ibn Jabr (645-722 مُجاهِد بْن جَبْر), serait une « mer embrasée » dans les cieux et sous l’enfer. Celle de Qatada ibn Da’ama (680-736 قتادة بن دعامة ), serait une « mer remplie » (بحر مملوء) (Source : Tafsir ibn Kathir). Une autre interprétation, antagoniste à cette dernière, est celle d’Abdallah Ibn Abbas (619-688)  عبد الله بن عباس qui rapporte que la mer dans le verset 52:6 est une « mer vide » (بحر فارغ) (Source : Tafssir ibn Kathir). D’autres avaient aussi avancé que cette mer serait celle qui sera transformée en flammes le jour de la résurrection. Enfin, et cela est répété un peu partout dans les exégèses, comme celle d’Ibn Jarir Tabari ( 839-923 بن جرير الطبري), ce serait une « mer sous le trône d’Allah », expression qu’on trouve d’ailleurs dans le verset de la sourate Hud 11:7 « alors que Son Trône était sur l’eau »  وَكَانَ عَرْشُهُ عَلَى الْمَاءِ.

Voici des extraits (en arabe) des toutes premières exégèses coraniques du verset 52:6 (source):

تفسير مجاهد بن جبر المخزومي (ت 104 هـقال علي بن أَبي طالب، عليه السلام، ليهودي: أَين جهنم؟ فقال اليهودي: تحت البحر. قال علي: صدق. ثم قرأَ: وَٱلْبَحْرِ ٱلْمَسْجُورِ
تفسير غريب القرآن, زيد بن علي (ت 120 هـ
البَحرُ المَسجورِ: بَحرٌ تَحتَ العَرشِ يُسمى بَحرُ الحَياةِ
تفسير مقاتل بن سليمان (ت 150 هـوَٱلْبَحْرِ ٱلْمَسْجُورِ, تحت العرش الممتلىء من الماء يسمى بحر الحيوان يحيى الله به الموتى فيما بين النفختين
تفسير الطبري (ت 301 هـ « إن هذا البحر المسجور الذي أقسم به ربنا تبارك وتعالى بحر في السماء تحت العرش »

Par conséquent, on ne connait pas exactement la signification théologique de cette « mer en furie et embrasée » البحر المسجور citée dans le verset 52:6. Mais, du fait du nombre d’occurrence dans les exégèses, on peut quand même penser que les musulmans des premiers siècles de l’islam croyaient en l’existence d’une étendue d’eau qui se trouve dans les cieux sous le trône.

LA « MER EN FURIE ET EMBRASÉE » الْبَحْرِ الْمَسْجُورِ VUE PAR LES DÉFENSEURS DES « MIRACLES SCIENTIFIQUES DANS LE CORAN »

Les défenseurs des soi-disant miracles scientifiques dans le Coran utilisent les photos prises des volcans sous-marins pour répandre l’idée selon laquelle le verset 52:6 est un « miracle scientifique » et que Dieu révélait ce phénomène naturel, inconnu des musulmans du 7e siècle, pour que ceux du 20 et 21e siècles le comprennent.

Une des photos utilisées par les défenseurs des "miracles scientifiques dans le Coran" pour le verset 52:6

Une des photos utilisées par les défenseurs des « miracles scientifiques dans le Coran » pour le verset 52:6

LE SOLEIL ET LA LUNE NAVIGUANT DANS LES « EAUX CÉLESTES » ? الشَّمْسَ وَالْقَمَرَ كُلٌّ فِي فَلَكٍ يَسْبَحُونَ

Le mot en arabe « falak » فَلَك dans le verset 21:33 a été interprété et traduit par « orbite » qui signifie مَدَار « Et c’est Lui qui a créé la nuit et le jour, le soleil et la lune; chacun dans une orbite naviguent.« . Le soleil et la lune seraient donc sur des orbites dans le ciel. Mais la définition du mot « orbite » telle que nous la connaissons aujourd’hui signifie toute trajectoire fermée d’un corps animé d’un mouvement périodique. Dans ce cas, il y a un problème pour le soleil qui, on le sait, tourne, comme les autres étoiles de notre galaxie, autour du centre de cette dernière et pas autour de la terre ou d’un autre corps céleste du système solaire. Par conséquent, toutes les exégèses relatives à ce verset seraient fausses parce que les exégètes pensaient que ce fut la terre qui était immobile et le soleil qui tournait autour d’elle. Mais les défenseurs des « miracles scientifiques dans le Coran » diront, si ce n’est pas déjà le cas, que ce verset aussi contient un miracle parce qu’il mentionnait le gros trou noir qui se trouverait au centre de notre galaxie et qui ferait tourner les étoiles autour de lui.

Regardons maintenant les définitions du mot « falak » فَلَك dans les vieux lexiques arabes. Les premiers lexiques n’ont vu le jour qu’à la fin du deuxième siècle de l’hégire et un des plus complets est Lisan al-arab (9e siècle) d’Ibn Mandhour. Dans ce lexique le mot « falak » فَلَك a deux significations :

  1. « falak » فَلَك : trajectoire des étoiles 
  2. « falak » فَلَك : vague dans la mer 

Voici des extraits (en arabe) de la définition de « falak » فَلَك dans lisan al-arab :

الفَلَك : مدار النجوم

الفَلَك : موج البحر

قوله في فلك فيه قولان : فأما الذي تعرفه العامة فإنه شبهه بفلك السماء الذي تدور عليه النجوم وهو الذي يقال له القطب شبه بقطب الرحى ، قال : وقال بعض العرب الفلك هو الموج إذا ماج في البحر فاضطرب وجاء وذهب فشبه الفرس في اضطرابه بذلك ، وإنما كانت عينا أصابته ، قال : وهو الصحيح . والفلك : موج البحر

Si nous retenons la deuxième définition, nous pouvons conclure que le soleil naviguerait sur une vague dans une mer céleste. Et cette définition est aussi citée dans l’exégèse de Tabari du verset 21:33 :

قال آخرون: الفلك موج مكفوف تجري الشمس والقمر والنجوم فيه

Notons aussi qu’étant donné l’absence des points diacritiques التنقيط sur les premiers manuscrits coraniques, ce mot pourrait aussi être lu « fulk » فُلْك qui signifie « barque » ! Et cela nous semble aussi logique quand nous nous referons aux croyances anciennes des peuples du Moyen-Orient (voir la barque du Dieu Solaire, plus bas, dans le paragraphe consacré à la mythologie égyptienne).

Par conséquent, le soleil et la lune auraient été vus comme des astres naviguant dans un océan  d’eau situé dans le ciel. Mais quelle est l’origine de cette croyance ?

L’OCÉAN CÉLESTE DANS LA RELIGION JUIVE (البحر السماوي في الديانة اليهودية)

En s’inspirant des croyances des peuples sumériens, les auteurs bibliques de la Torah et de ses livres apocryphes avaient imaginé la terre comme un disque plat flottant dans l’eau, avec sept cieux au-dessus (lire l’article consacré au mythe des sept cieux) et un monde souterrain au-dessous (Source).

The Westminster Dictionary of New Testament & Early Christian Literature & Rhetoric, David E. Aune, 2010

The Westminster Dictionary of New Testament & Early Christian Literature & Rhetoric, David E. Aune, 2010

Le deuxième ciel appelé « Raki’a » (Source : Le Talmud) serait un bol solide inversé au-dessus de la terre, coloré en bleu par l’océan cosmique et empêcherait les eaux de cet océan d’inonder la terre (Source).

Heaven and Earth in the Gospel of Matthew, Jonathan T. Pennington, 2007

Heaven and Earth in the Gospel of Matthew, Jonathan T. Pennington, 2007

En plus, le Testament de Lévi, qui fait partie des Testaments des douze patriarches et qui relatent les discours et recommandations attribués aux fils de Jacob, comprend une prière de Lévi (un des fils de Jacob) où il relate une vision de son ascension dans les sept cieux (lire l’article consacré aux ascensions célestes des prophètes et des rois). Cette ascension le fit passer par un Océan Céleste qui est décrit comme étant des eaux abondantes suspendues entre les deux premiers cieux et proches d’un feu brûlant au dessus du deuxième ciel.

Voici une traduction française du Testament de Lévi, publiée dans cet article du Dr. Ursula Schattner-Rieser de l’Université de Cologne, Institut d’Etudes sur le Judaïsme : Testament de Lévi, page 14

35 Ensuite nous entrâmes dans le premier ciel et je vis là-bas une grande obscurité. 36 Alors nous passâmes du premier ciel et j’entrai dans le deuxième, 37 et je vis là-bas des eaux abondantes suspendues entre les deux cieux ; 38 neige et glace étaient au-dessus des eaux et un feu brûlant au-dessus d’elles.

L’OCÉAN CÉLESTE DANS LA MYTHOLOGIE ÉGYPTIENNE (البحر السماوي في الميثولوجية المصرية)

En voyant la couleur bleue du ciel au dessus de leurs têtes, les égyptiens de l’antiquité avaient aussi imaginé un monde inversé, par effet miroir, avec un océan au dessus de la voûte céleste personnifiée par la déesse du ciel Nout. Les eaux célestes se trouvent ainsi dans l’espace au dessus du corps de la déesse égyptienne et elles servent comme passage pour les pharaons défunts pour atteindre l’au-delà. Dans la mythologie égyptienne, ces défunts sont accompagnés sur des barques dans l’océan céleste par des dieux appelés Passeurs.

Représentation de Nout, la déesse du ciel, sous forme de voûte

Représentation de Nout, la déesse du ciel, sous forme de voûte

Cette notion de barque céleste est aussi mentionnée dans les Textes des pyramides (il y a 4500 ans), qui constituent le corpus religieux le plus ancien découvert à ce jour en Égypte. En effet, il y a plusieurs mentions du périple dans le ciel du dieu Ré, qui est une des formes du Soleil. Le périple de ce dieu solaire se fait aussi sur une barque appelée Barque solaire. Voici un extrait des Textes des pyramides :

« Veuille donc aller à cette barque de Ré où souhaitent monter les dieux, avec laquelle souhaitent aller les dieux et avec laquelle Ré voyage vers l’horizon !…»
Textes des Pyramides, chapitre 606

Représentation de la Barque Solaire avec le Soleil au milieu

Représentation de la Barque Solaire avec le Soleil au milieu

Enfin, l’égyptologue français Jean-François Champollion, qui fut le premier à déchiffrer les hiéroglyphes, avait écrit dans ses lettres envoyées d’Egypte en 1828 et 1829, (voir P 106), des passages qu’il a pu déchiffrer au sujet de l’océan céleste où le dieu Ré navigue sur sa barque.

Lettres envoyées d'Egypte en 1828 et 1829 par Jean-François Champollion

Lettres envoyées d’Egypte en 1828 et 1829 par Jean-François Champollion

L’OCÉAN CÉLESTE DANS LA RELIGION MANICHÉENNE (البحر السماوي في الديانة المانوية)

Le manichéisme est une doctrine religieuse dont l’origine remonte au 3e siècle ap. J. -C. Son fondateur est Mani (ou Manès) qui proclamait être le sceau des prophètes (le dernier) en élaborant sa doctrine comme un syncrétisme du Bouddhisme, du Zoroastrisme et du Christianisme. Cette religion est née en Irak mais elle s’est répandue partout au Moyen-Orient et elle est arrivée jusqu’en Chine à partir du 6e siècle de notre ère.

Selon plusieurs historiens arabes comme Ibn Nadim ابن النديم (mort à la fin du 10e siècle) et Ibn Qoutayba (ابن قتيبة 828-889), la religion de Mani (المانوية) était connue à la Mecque pendant la période préislamique et dans toute la péninsule d’Arabie. En effet, Ibn Nadim, dans son livre al-Fahrast الفهرست, consacre tout un chapitre au manichéisme chez les arabes de la péninsule d’Arabie (lire, en arabe, le chapitre concernant le manichéisme dans le livre الفهرست) et Ibn Qoutayba, dans son livre al-Maarif, écrivit que la « Zandaqa » الزَّنْدَقَة (mot Persan utilisé par les arabes pour qualifier la religion des manichéens mais aussi des zoroastriens) était pratiquée dans la tribu de Qoraych.

Voici la source, en arabe, dans le livre d’Ibn Qoutayba ainsi que la définition du mot « zandaqa » dans le lexique arabe المعجم الوسيط.

(p 196) ابن قتيبة, كتاب المعارف

وأبو سود جد وكيع بن حسان كان مجوسياً، وكانت الزندقة في قريش أخذوها من الحيرة

المعجم الوسيط

الزَّنْدَقَة : القولُ بأَزليَّة العالم ، وأُطلق على الزرادشتيّة ، والمانوية ، وغيرهم من الثنوية ، وتُوُسِّع فيه فأُطلق على كل شاكٍّ ، أو ضالٍّ ، أو ملحد

Revenons à notre océan céleste. Dans la religion manichéenne, on croyait aussi à l’existence d’un océan d’eau dans le ciel mais la particularité de ces eaux est liée au fait qu’elles sont embrasées par le feu. Cela rappelle indéniablement le verset Coranique 52:6 البحر المسجور.  

Dans la croyance manichéenne, après la mort les âmes des fidèles doivent traverser un océan céleste décrit comme un lieu de souffrance mais aussi de réincarnation vers le Nirvana (illumination, délivrance, éveil, paix suprême, etc.). Dans son article, paru dans la revue Asia Major, le linguiste Hongrois, spécialiste du manichéisme et Professeur à l’Université de Budapest, Gabor Kosa, fait une étude très intéressante sur les différences entre les manuscrits manichéens chinois et manichéens occidentaux. Il s’intéresse plus particulièrement à l’océan de feu manichéen, peu connu, et qui mérite des études plus approfondies du côté des islamologues et anthropologues du Coran pour mieux comprendre l’origine de la mer « en furie et embrasée »  البحر المسجور dans le verset 52:6.

Expansion de la religion manichéenne entre 300 et 600 av J. -C.

Expansion de la religion manichéenne entre 300 et 600 av J. -C.

Dans la comparaison qu’il propose dans son article, l’auteur traduit en anglais plusieurs manuscrits manichéens. Voici quelques extraits que nous avons traduit en Français :

H85 « Nous devrions choisir résolument et nous concentrer pacifiquement sur le vrai enseignement,(nous devons) chercher avec diligence le nirvana en traversant la mer de feu« 

H29 « Glorieux Jésus et Bouddha, élevez (votre) grande compassion et pardonnez nos péchés! Écoutez ces paroles de souffrance et de douleur, et délivrez-nous de cette mer de feu empoisonnée!« 

H32 « Nous voulons que vous [nous préserviez] des grandes vagues de la mer de feu! À travers le rideau de nuages et de brumes sombres, laissez le soleil de la Grande Loi rayonner partout, pour que nos cœurs et nos âmes soient toujours purs! »

Enfin, et étant donnée que la religion manichéenne était connue à la Mecque dans la période préislamique, comme nous l’avons montré plus haut, il n’est pas impossible qu’elle ait été la principale source d’inspiration pour « la mer en furie et embrasée » البحر المسجور du verset 6 de la sourate at-Tur 52.

Mais qu’en est-il du mot at-Tur lui-même ? Nous avons montré au début de cet article que selon les exégètes musulmans, « at-Tur » était un « mot syriaque » qui signifie « Montagne » et qui serait la « montagne de Sinaï » ou bien « une montagne dans le Paradis ». Mais plusieurs questions se posent.

Pourquoi ce mot a été révélé en syriaque en sachant que le mot arabe جبل pour « montagne » existe bel et bien ? 
Existe t-il une relation entre cette montagne citée dans le verset 52:1 et la mer en « furie en embrasée » du verset 52:6 ?

L’OCÉAN CÉLESTE DANS LA RELIGION ZOROASTRIENNE (البحر السماوي في الديانة الزرادشتية)

Bien avant les musulmans, les judéo-chrétiens, les manichéens et un peu après les égyptiens de l’ancien empire, les zoroastriens (il y a plus de 3000 ans) et leur prophète Zarathoustra avaient aussi imaginé un océan céleste au dessus de leurs têtes. Cet océan est très connu dans la mythologie zoroastrienne, il s’appelle Vourukasha et il est décrit, à maintes reprises, dans leurs livres sacrés, comme un réservoir céleste des eaux fécondantes, pures et par où se répand toute la fertilité sur terre. C’est un océan très agité parce qu’il est souvent le théâtre de guerres féroces entre la force du bien, représentée par l’étoile Sirius, appelée Tistrya par les Perses anciens, et la force du mal représentée par des démons comme Apaosha et les Pairikas (Pour plus de détails sur la guerre des étoiles zoroastrienne, consultez cet article qui montre aussi l’origine du mythe coranique des versets 37:6, 67:5, 15:18, 72:8-9).

Voici des extraits de cet océan turbulent, avec les références trouvées dans la traduction française du livre sacré des zoroastriens, l’Avesta réalisée au 19e siècle par l’orientaliste belge Charles de Harlez :

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Fargard V 70-71, P 131

Fargard V 70-71, P 131

Vispered VIII, 17-20, P 349

Vispered VIII, 17-20, P 349

Yacna LXIV, 10-14, P 173-174

Yacna LXIV, 10-14, P 173-174

Nous apprenons dans le dernier extrait que « Hukairya » est le sommet d’une montagne. Et dans un autre chapitre de l’Avesta, cette montagne est mentionnée et porte le nom de « Hindwa ». Elle se situe au milieu de la mer Vourukasha (Source : Tir Yesht, VIII- VI 30-34) :

Tir-Yesht VIII- VI 30.34, P 220

Tir-Yesht VIII- VI 30.34, P 220

En résumé, les zoroastriens croyaient aussi en l’existence d’une mer agitée qui se trouve dans les cieux mais la particularité de cette mer, selon l’Avesta, est qu’elle abrite une montagne au milieu dont le nom est « Hindwa ». Cela pourrait avoir une influence sur l’islam étant donné que la « Zandaqa » الزَّنْدَقَة, qui est un mot Persan utilisé par les arabes pour qualifier la religion des manichéens mais aussi des zoroastriens, était pratiquée dans la tribu de Qoraych (comme nous l’avons montré dans le paragraphe sur le manichéisme plus haut).

CONCLUSION

A la lumière des documents présentés dans cet article, nous pouvons confirmer que le Coran est un extraordinaire syncrétisme de cultures populaires des peuples anciens du Moyen-Orient. En effet, et comme nous l’avons vu, les premiers versets de la sourate at-Tur ainsi que le verset 21:33 viennent, une fois de plus, confirmer cela. Ainsi la montagne at-Tur dans le premier verset de la sourate aurait été inspirée de la montagne zoroastrienne Hindwa qui se trouve au milieu de la mer Vourukasha qui est la mer en furie et théâtre de guerres des étoiles antiques chez les zoroastriens. D’autre part, comme le manichéisme a beaucoup puisé dans les croyances zoroastriennes, il n’est pas impossible que la mer embrasée manichéenne, ou mer de feu, théâtre de souffrance pour les âmes dans leur voyage vers le Nirvana, aurait été, elle même, inspirée de la mer Vourukasha.

La « mer en furie et embrasée » الْبَحْرِ الْمَسْجُور citée dans le coran juste après le verset de la voûte céleste serait donc un syncrétisme des deux croyances manichéenne et zoroastrienne et at-Tur serait la montagne zoroastrienne Hindwa. 

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